Réflexions.

Les limites de l'espace et du temps.

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L'expérience de tout un chacun est dans son ensemble conditionnée, dans le sens où elle est limitée. Si l'on se pense comme le sujet de la perception, comme celui qui perçoit un monde objectif, un univers existant à l'extérieur, alors cette perception semblerait prendre place sous certaines conditions ou limitations. Il semblerait que l'on perçoive, non pas la chose directement, mais qu'on la perçoive à travers des voiles, en accord avec la nature de l'instrument de la perception.

Il est généralement admis dans la philosophie occidentale, depuis Kant, que l'espace et le temps ne sont pas des réalités objectives, mais font partie de l'appareil de la perception elle-même. Ce serait certainement le point de vue bouddhiste, que l'espace et le temps sont des concepts et non des entités. On ne voit pas l'espace et le temps. L'espace et le temps participent de la façon dont, origininairement, nous voyons les choses. Ainsi, notre esprit, notre conscience individuelle, par sa nature, la manière dont il est structuré, constitué, perçoit les choses à travers ce medium particulier. Non que celui-ci soit séparé de l'esprit qui perçoit lui-même, mais il fait partie de notre appareil de perception. L'espace et le temps sont construits à l'intérieur de notre processus de perception. Donc, quand nous pensons aux choses, nous ne pouvons faire autrement que d'y penser en termes d'espace et de temps parce que nous ne pouvons les percevoir qu'en termes d'espace et de temps. Même quand nous pensons à la vie spirituelle, ou à la Réalité elle-même, nous ne pouvons les envisager autrement qu'en termes d'espace et de temps. Que ce soit par le biais d'une analogie avec l'espace ou avec le temps. Le Bouddha lui-même semble avoir fait les deux, et oscillé entre les deux modes d'expression. Si l'on considère l'Absolu, avec un A majuscule, on peut le penser en termes d'espace ou de temps. Lorsqu'on le pense en termes d'espace, il est statique, il existe au dehors. C'est une sorte d'objet, et même de fondement. Et c'est en le pensant de cette manière que le Bouddha a dit :

« Il y a , ô moines, cette sphère de Réalité qui est permanente, fixe, immuable, où il n'y a ni terre, ni eau, ni feu, ni air. Si cette sphère de Réalité n'existait pas, ô moines, il n'y aurait pas de libération possible du samsara. »

L'Absolu est envisagé en termes d'espace. Il est statique. Il est immuable.

Mais encore une fois, le Bouddha parle aussi de coproduction conditionnée, ou même d'une série d'états ou d'étapes de nature transcendentale, pour lesquels il ne semble pas y avoir de fin définie et qui ne cessent jamais. Il s'agit donc ici d'une conception de l'Absolu non pas comme quelque chose de statique, de fixe, conçu en termes d'espace, mais de quelque chose conçu en termes de temps. On peut donc dire que ce que j'ai appelé un  processus de créativité irreversible correspond également à l'Absolu immuable.

Extrait d’un séminaire animé par Sangharakshita (© 1982), sur son livre 'The Three Jewels' (ch. 11). Traduction © Centre bouddhiste Triratna, 2002.

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  1. L'inspiration artistique.
  2. Nietzsche, le Zen, et l'éveil soudain.
  3. Les limites de la raison.
  4. Les limites de l'espace et du temps.
  5. L'immortalité et le suicide.
  6. Désir et beauté.
  7. Connaître les autres.
  8. Droits et devoirs.