L'idéal héroïque dans le bouddhisme
Pour diverses raisons, notamment historiques, les qualités héroïques ne sont pas ce qui vient généralement à l'esprit lorsque l'on pense au bouddhisme. Elles y sont pourtant très importantes et très présentes, et ce dès les origines de la tradition, puisqu'on les retrouve encore et encore dans la vie du Bouddha. Et elles nous sont très utiles si, nous aussi, nous voulons progresser sur la voie.
Quelques idées fausses sur le bouddhisme.
Bien que très peu de gens, en Occident, aient jusqu'à présent eu l'opportunité d'étudier ou de pratiquer le bouddhisme en profondeur, la plupart d'entre-nous en avons une impression. Nous avons aussi une impression du Bouddha. Nous rencontrons ou entendons parler de gens qui ont épousé le bouddhisme, nous lisons des articles sur le bouddhisme dans les journaux, nous entendons des gens en parler à la radio ou à la télévision. Nous pouvons même, si nous allons au cinéma, voir des stars jouant le rôle du Bouddha. Certaines de ces impressions peuvent être très positives, et même dans une certaine mesure précises, mais inévitablement il y en a d'autres qui sont très trompeuses, et les idées fausses, une fois établies, sont notoirement difficiles à éradiquer. Les idées fausses les plus persistantes dérivent en fait des premiers interprètes occidentaux du bouddhisme, qui le voyaient naturellement du point de vue de leur propre tradition religieuse - en Grande-Bretagne une version victorienne du christianisme. Il était tout naturel que cette première vague de littérature occidentale sur le bouddhisme l'explique à des lecteurs essentiellement chrétiens à l'aide de concepts chrétiens, mais les idées fausses générées ainsi ont remarquablement résisté au passage des ans.
L'une d'entre elles, par exemple, était l'idée que le bouddhisme n'était pas une religion dans le sens complet du mot. Selon cette vue, il pouvait être considéré comme un système de philosophie impressionnant, tel que ceux de Platon, de Kant ou de Hegel, ou bien comme un admirable système d'éthique, voire comme un système – un système remarquable – de mysticisme ; mais rien de plus que tout cela. Les érudits catholiques en particulier (pour une raison ou une autre les érudits catholiques ont toujours tendu à se faire une spécialité du bouddhisme) l'ont ainsi damné avec de faibles louanges, en suggérant d'une façon ou d'une autre qu'il y avait toute une dimension qui manquait au bouddhisme, et qui était apportée par le christianisme.
Une autre idée fausse également tenace était que le bouddhisme était une religion spécifiquement orientale, qui était inextricablement liée à diverses cultures orientales. C'est évidemment une vue fausse qu'il est difficile de révéler, car même de nos jours il semble y avoir beaucoup d'enthousiasme à l'idée de distinguer l'essence du bouddhisme de ses expressions culturelles, aussi invariablement exotiques, colorées et attirantes soient-elles. Mais pour que la pratique de la voie bouddhique soit réellement établie en Occident, il nous faudra trouver des manières d'intégrer le Dharma avec notre propre culture, plus banale, grise et familière.
L'idée fausse particulière dont traite ce texte trouve son origine dans la perception victorienne du Bouddha lui-même. Les victoriens tendaient, tout naturellement encore, à le voir comme une sorte de Jésus oriental, et la conception populaire victorienne de Jésus était une version assez insipide du vrai Jésus. On a dit que pour les victoriens, le Christ était une figure fantomatique vêtue d'un drap blanc planant au-dessus de la Galilée et réprimandant les gens qui ne croyaient pas au symbole de Nicée. Un Bouddha victorien fut installé de même dans l'imagination populaire sous la forme d'une figure fantomatique vêtue d'un drap blanc, planant au-dessus de l'Inde et réprimandant les gens qui n'étaient pas gentils avec les animaux.
De cette façon, le bouddhisme commença à être perçu comme un enseignement et une tradition assez passifs, négatifs et lâches. Cette impression ne peut malheureusement qu'être renforcée, peut-être inconsciemment, par toute rencontre que l'on peut avoir avec l'art bouddhique tardif ; dans la phase décadente de cet art, le Bouddha y est représenté comme une personne douce, rêveuse et efféminée. En ce qui concerne les représentations de masse du Bouddha que l'on trouve de nos jours en Inde – habituellement sur des calendriers – leurs tentatives de représenter le sourire de l'Éveil laissent le Bouddha minaudant coquettement comme une starlette sentimentale.
Un autre facteur qu'il nous faut prendre en compte est que le bouddhisme est une religion de provenance indienne. Alors que la culture indienne est respectée pour sa « spiritualité », elle est aussi regardée de haut comme étant arriérée, lente, non-progressiste et non-entreprenante ; des épithètes tels que ceux-ci semblent s'attacher naturellement au bouddhisme lorsqu'il est considéré comme une religion indienne.
Il nous faut aussi reconnaître qu'une grande partie de l'enseignement bouddhique contemporain en Orient, en particulier à Sri Lanka, en Birmanie et en Thaïlande, a eu tendance à être plutôt négatif. On vous dit de ne pas faire ceci, de vous abstenir de ceci et de vous retenir de faire cela, mais ce n'est que beaucoup plus rarement que l'on vous dit ce que vous pouvez faire pour développer des qualités positives et vous développer de manière positive. Les plus anciennes écritures bouddhiques reconnaissent que vous ne pouvez avoir un côté d'une pièce sans en avoir l'autre, et font montre d'un accent direct et positif tout autant que d'un accent négatif et sans compromission, mais l'enseignement a trop souvent été présenté en Occident en termes d'évitement ou de fuite plutôt que d'engagement.
Afin de redresser la balance, il nous faut regarder d'un œil neuf ce qu'est le bouddhisme ; il nous faut peut-être repenser toute notre attitude face à la vie spirituelle. Le but de l'enseignement bouddhique est l'atteinte de l'Éveil, la bouddhéité, un état de perfection morale et spirituelle, et cet idéal exige la mise en œuvre à un niveau moral et spirituel de qualités héroïques. Quand nous parlons de l'idéal héroïque dans le bouddhisme, nous ne parlons de rien qui soit distinct de l'idéal spirituel, voire même qui en soit opposé. Nous parlons de l'idéal spirituel lui-même ; un idéal qui nécessite un héroïsme du plus haut degré.
Mais nous n'en avons cependant pas encore fini. Il est très bien de suggérer que l'idéal spirituel n'est pas qu'un idéal gentil et propret, et que c'est en fait un idéal héroïque. Mais que ressentons-nous vraiment face à cet « idéal héroïque » ? Regardons les choses en face : tout cela est un concept démodé. La notion d'avoir des idéaux suggère une « aliénation » et un manque d'« acceptation », pour utiliser une terminologie à la mode. En ce qui concerne le héros et l'héroïne, il ou elle est souillé par une suggestion de noblesse, d'une sorte de supériorité réelle dans sa manière d'être, à laquelle le goût moderne objecte d'une façon ou d'une autre.
Il y a cent ans c'était très différent. Les victoriens affichaient leurs idéaux élevés avec une assurance qui semble incroyable aujourd'hui, et l'idéal héroïque avec plus de fureur encore. Le goût victorien pour le culte du héros était tel que presque tous ceux qui avaient pris une certaine hauteur dans la vie publique pouvaient être vénérés comme des héros, voir adorés comme tels. C'est peut-être pour cette raison que la personne qui représentait leurs idéaux spirituels les plus élevés, Jésus, était une figure si éthérée, pour le distinguer des objets plus mondains de l'adoration publique. Le texte de Thomas Carlyle, Les Héros, originellement publié en 1841, rendit évident le fait que « l'histoire est la biographie des grands hommes ». Thackeray put rendre son roman La Foire aux vanités unique parmi tous ceux qui sortaient des presses à l'époque (1848) en le sous-titrant Un roman sans héros.
Sur la cheminée de toutes les maisons anglaises vous trouviez des figurines en porcelaine de toutes les personnes estimées du public. Alfred Lord Tennyson, Florence Nightingale, Charles Gordon, Gladstone et Disraeli étaient admirés comme les pop-stars le sont aujourd'hui. Et à peine morts, paraissaient au moins trois, et souvent six ou sept gros (pour le pas dire monumentaux) volumes de mémoires et de lettres. Une biographie victorienne était un exercice d'hagiographie ; elle avait pour but de présenter le grand homme dans toute sa gloire, prenant la pose ou l'attitude dans laquelle tout le monde voulait s'en souvenir. C'est pourquoi, même rétrospectivement, les grands victoriens semblent être plus grands que nature.
La première guerre mondiale fut vendue à l'homme de la rue comme une opportunité d'être lui-même héroïque, et c'est probablement l'association de la pose héroïque avec l'incompétence des généraux et la tuerie de masse qui fit tomber l'idéal héroïque. Les biographies devinrent des exercices de démystification, en montrant combien petits et ordinaires étaient vraiment les grands hommes. L'exemple classique de ce nouveau type de biographie est Éminents victoriens de Lytton Strachey (1918), dans lequel pas moins de quatre grands victoriens souffrirent l'affront d'être serrés l'un contre l'autre dans un mince volume. Les victoriens eux-mêmes auraient considéré cela comme choquant, ou presque indécent – comme l'enterrement de quatre personnes dans la même tombe.
Aujourd'hui, les héros et les héroïnes peuvent toujours être trouvés dans les œuvres de fiction plus commerciales (sous une forme galvaudée et pervertie), mais rarement ailleurs, et certainement pas en politique. Quand vous vous souvenez que des gens écrivaient à Gladstone ou à Disraeli [premiers ministres britanniques dans la seconde moitié du XIXème siècle, N.d.T.] en leur demandant une mèche de cheveux qu'ils puissent porter dans un pendentif, il vous faut admettre que les temps ont changé. Il serait difficile de trouver une personne œuvrant aux grands problèmes de nos jours qui soit adulée d'une telle façon. Il ne fait aucun doute que c'est comme cela que les choses doivent être. Le culte du héros des victoriens était certainement un mauvais cas de projection, et leurs idéaux peuvent parfois ressembler à de l'hypocrisie. « Personne n'est un héros de son propre valet », observons-nous avec sagesse. Si, cependant, nous remplaçons les idéaux par du cynisme, nous nions la possibilité de changement, et si nous prenons le point de vue du valet sur le héros, si toute l'idée du héros semble être un peu ridicule et absurde, si nous refusons de respecter quelqu'un qui a des qualités exceptionnelles, nous nions la réalité aussi sûrement que le faisaient les victoriens. Cela veut dire que nous ne pouvons pas prendre sérieusement une personne aux capacités extraordinaires qui a des idéaux, c'est-à-dire quelqu'un qui est sérieux au sujet d'une chose importante et s'en soucie profondément.
Shakyamuni : éveillé, héros et conquérant.
J'ai longuement introduit le concept du héros car, bien que se soit un mot démodé en anglais, il traduit plus précisément qu'aucun autre mot moins provoquant un des titres qui furent donnés à Siddhartha Gautama après son Éveil. Nous le connaissons sous le nom de « Bouddha » ou parfois de « Compatissant », mais les textes pâlis et sanskrits donnent aussi au Bouddha les épithètes mahavira, qui veut dire « grand héros », et jina, qui veut dire « conquérant ». En fait, le terme jina est presque aussi commun dans les premiers textes bouddhiques que l'est celui avec lequel nous sommes plus familiers, « Bouddha ». Il est le conquérant car il a conquis la totalité de l'existence conditionnée en lui-même. Il a conquis le monde en se conquérant lui-même. Selon le Dhammapada, « Bien que l'on puisse conquérir mille fois mille hommes sur le champ de bataille, celui qui se conquiert lui-même a la plus grande victoire. » Plus tard, le bouddhisme médiéval produisit l'idée de la trailoka vijaya, la « conquête des trois mondes », c'est-à-dire la conquête du monde du désir des sens, du monde de forme archétype, et du monde de non-forme. La victoire du jina est donc une victoire sur ces trois mondes.
En vertu de cette conquête le Bouddha devient bien sûr un roi. Ayant soumis en son propre esprit tous les mondes de l'existence conditionnée, il est appelé le dharmaraja, le roi de la loi, ou le roi de la vérité. C'est en roi que le Bouddha est souvent représenté dans l'art bouddhique ; nous savons cela car il est souvent représenté portant les insignes de la royauté. Ces insignes sont en fait très curieux, au moins pour des Occidentaux. En Grande-Bretagne les insignes qui sont les symboles de l'autorité du monarque régnant sont bien sûr le sceptre et l'orbe. Mais en Inde, et dans tous les endroits où a pénétré la tradition culturelle du bouddhisme, ce sont le parasol et le chasse-mouche.
En Inde, au temps du Bouddha, une personne ordinaire n'utilisait jamais ni parasol ni ombrelle. Vous n'en auriez certainement pas utilisé pour vous protéger du temps qu'il faisait ; au lieu de cela vous auriez utilisé une feuille. Un véritable parasol ne pouvait être utilisé que par le roi ou par une personne éminente et noble. Selon Lama Govinda, ceci remonte aux temps où, le soir, l'ancien de la tribu ou du village s'asseyait sous un arbre, adossé au tronc, donnant des conseils et résolvant des litiges. Si nous acceptons cette interprétation, le parasol devint une sorte d'arbre artificiel que l'on tenait au-dessus de vous lorsque vous vous déplaciez, un symbole de votre position sociale. Suivant cette idée, nous pouvons de façon ultime relier ce parasol symbolique avec l'arbre cosmique qui, en termes mystiques, donne son ombre au monde entier, à toute l'existence.
Le chasse-mouche est un symbole plus direct. Très beau, il est fait d'une queue de yak formant un plumeau de poils doux et blancs de près de soixante centimètres de long. La queue est montée sur une poignée d'argent, et il est doucement manié autour des personnages royaux pour éloigner les mouches. Il est toujours utilisé de nos jours dans des rituels de dévotion hindous : à un certain point, durant l'arati, la dévotion du soir, le chasse-mouche est agité devant l'image de la déité, Rama, Krishna, ou quelle qu'elle soit, car elle est à ce moment traitée comme un roi tout comme un dieu.
Tout comme Jésus est souvent représenté assis et tenant dans ses mains le sceptre et l'orbe, pour signifier sa royauté divine, le Bouddha est donc représenté dans l'art bouddhique avec une ombrelle tenue – parfois par des êtres divins – au-dessus de lui, et entouré de dieux tenant des chasse-mouches. Ces symboles montrent qu'il est le roi du Dharma, le roi, si vous voulez, de l'univers spirituel. Le Bouddha étant roi, son principal disciple, Shariputra, était appelé son dharmasenapati, ce qui veut dire, ce qui peut être un peu inattendu, son « commandant en chef ». Non, nous ne parlons pas de l'Armée du Salut ici ; c'est bien sûr la Sangha bouddhiste de docile renommée.
Ce symbolisme royal et cette terminologie militaire ne sont pas peut-être pas sans lien avec l'origine sociale du Bouddha. Étant un kshatriya il appartenait, selon le décompte hindou, à la seconde des quatre castes, les brahmanes ou prêtres venant en premier en termes de statut. Mais les kshatriyas ne l'entendaient pas ainsi. Alors que les autres castes acceptaient l'ordre de la hiérarchie, les kshatriyas se considéraient eux-mêmes comme la plus haute caste. C'est aussi la façon dont les castes sont toujours listées dans le canon en pâli, avec les kshatriyas en premier. Ainsi, d'un point de vue purement social, la prééminence est donnée au guerrier par rapport au prêtre dans les premiers textes bouddhiques.
Nous savons qu'alors que Siddhartha grandissait, le brahmanisme n'avait pas pénétré le territoire des Shakyens ; nous pouvons donc être presque sûrs que Siddhartha fut purement et simplement éduqué comme un guerrier – et, d'une certaine façon, il resta un guerrier. Selon une légende, lorsqu'il se fiança à Yashodhara, certains des proches de sa future femme objectèrent qu'il n'était pas assez bon lutteur, et il dut bien sûr prouver sa valeur en les vainquant tous dans un combat amical. Clairement, en tant que noble il ne suffisait pas qu'il soit un guerrier ; il fallait qu'il soit un guerrier exceptionnel, un héros.
De la nécessité des qualités héroïques pour la vie spirituelle.
Il est tout à fait significatif que ceci soit les antécédents de la personne qui allait devenir le meilleur exemple de la vie spirituelle. Il est aussi significatif que Siddhartha ait puisé à chaque étape de sa quête spirituelle dans les qualités héroïques dont il avait appris à faire montre sur le champ de bataille. Nous savons qu'il quitta son palais quand il avait à peu près vingt-neuf ans. Il quitta tout ce en quoi on lui avait appris à croire comme étant la bonne vie, tout ce qu'on lui avait appris à croire comme étant son devoir. Cela doit avoir été pour lui un grand déchirement de quitter sa famille et sa tribu, de partir seul dans l'obscurité, dans la forêt, sans savoir où aller, sachant seulement qu'il partait chercher la vérité. Mais c'est ce qu'il fit.
Puis, pour un tel homme, vivre en mendiant doit lui avoir demandé une force de caractère au moins aussi grande. La procédure traditionnelle pour la tournée d'aumônes était simple, comme elle l'est encore aujourd'hui. Un grand bol à aumônes noir dans les mains, vous allez d'une porte à l'autre, restant quelques minutes devant chaque maison, et les gens sortent et mettent quelques restes de nourriture dans votre bol. Quand vous pensez que vous avez recueilli assez de choses pour votre repas, vous allez en un lieu tranquille, à l'écart du village, vous vous y asseyez et vous mangez. On peut penser qu'il n'est pas très difficile de trouver sa nourriture ainsi, mais il y a un accent poignant dans le récit fait par le Bouddha de sa première tournée d'aumônes, qui montre ce que cela peut être quand vous n'êtes pas habitué à le faire. Ce qu'il raconta apparemment à ses disciples – c'est-à-dire selon les écritures, et l'histoire semble sonner juste – c'est que la première fois qu'il s'assit à l'écart d'un village avec son bol, il regarda le tas de petits bouts de nourriture qu'il contenait et vomit. Ayant eu l'habitude d'une nourriture de qualité, tout à fait fraîche et préparée par les meilleurs cuisiniers, il se vit contemplant les grossiers restes d'une nourriture paysanne, et son estomac en fut tout retourné. Mais il ne laissa pas sa propre délicatesse entraver son chemin. Si le prix de la liberté était une telle subsistance, il lui fallait surmonter son dégoût. Et c'est ce qu'il fit.
Ses vêtements étaient eux aussi rudimentaires, bien sûr. Si vous faites le tour du monde bouddhiste moderne, vous pouvez facilement avoir l'impression que le Bouddha allait portant des robes jaunes toutes neuves, bien lavées et bien propres, mais il y a très peu de chances que cela ait été le cas. Il portait presque certainement des vêtements jaunes rudes, tâchés et en loques. C'est de nos jours un fait triste, que dans certains pays bouddhistes, un moine qui se promène avec des robes un peu défraîchies est un peu considéré comme étant sur le déclin. Je me souviens moi-même, venant de Kalimpong, m'être rendu un jour à un monastère à Calcutta ; je dois dire que je n'avais pas pensé à mettre ma plus belle robe pour l'occasion, et certains de mes amis moines furent scandalisés car je portais une vieille robe. Pour eux, c'était terrible. « Que vont penser les gens ? », dirent-ils. Il nous faut imaginer que le Bouddha lui-même aurait eu une attitude complètement différente quant aux vêtements. Pour lui, ce qu'il portait représentait une coupure complète de sa précédente manière de vivre, dans laquelle la sécurité de sa position sociale aurait été clairement reflétée dans sa manière de se vêtir.
Étant allé de l'avant, Siddhartha maîtrisa rapidement les enseignements qui furent mis à sa disposition ; il ne se reposa pas sur ses lauriers, mais repris seul son chemin, sans personne pour le guider. Devenu âgé, il lui arriva de penser à cette période critique de sa vie. Il décrivit comment il lui arrivait d'être dans les profondeurs de la jungle, la nuit, quand tout était sombre et silencieux, sans personne à des kilomètres à la ronde ; il entendait une brindille craquer ou une feuille tomber, et une terrible peur panique, une grande terreur le prenait. Ceux qui ont pratiqué la méditation savent que cela peut arriver parfois : la peur se manifeste, simplement. Ce n'est pas qu'il y ait une chose objective particulière dont avoir peur, et il semble y avoir très peu que l'on puisse faire. Mais c'est ce dont Siddhartha faisait l'expérience. Il était pris par une terreur sans nom. Comment, alors, maîtriser cette peur et cette terreur ? Que faisait-il pour en briser l'emprise ? Ce qu'il réalisa, en fait, c'est qu'il devait littéralement ne rien faire. Il dit : « Si la peur venait alors que je marchais, je continuais à marcher ; si elle venait alors que j'étais assis, alors je restais assis. Si j'étais debout quand elle venait, alors je restais debout. Et si j'étais allongé quand elle venait, alors que j'étais allongé, eh bien, je restais allongé. La peur passait, comme elle était apparue. » En d'autres termes il n'essayait pas d'y échapper. Il la laissait venir, il la laissait être là, et il la laissait s'en aller. Il ne laissait pas son esprit – son esprit essentiel – être dérangé par elle.
Bien que Siddhartha ait enduré toutes les difficultés et épreuves qui se présentaient à lui, celles-ci étaient jusqu'à ce point des difficultés relativement mineures. La mesure de son caractère essentiellement héroïque est cependant prise quand on considère qu'il choisit alors pour lui-même la voie spirituelle la plus ardue qu'il ait pu trouver. Non seulement cela, mais s'étant engagé dans la pratique des austérités, il suivit cette voie avec plus de rigueur qu'aucun homme vivant à cette époque. Il expérimentait, cherchait la vérité en faisant des essais, et lorsqu'il essayait une méthode il la suivait jusqu'aux limites de ses capacités humaines. Il alla donc nu, même durant le froid mordant des hivers des contreforts de l'Himalaya, quand un épais manteau de neige recouvrait le sol. Il cessa d'utiliser un bol à aumônes, et ne recueillit que le peu de nourriture qui tenait dans ses mains. Ayant entendu dire que limiter son alimentation à quelques grains de riz ou d'orge et un petit peu d'eau menait au seuil de l'Éveil, il fit cela. Il y a une description effrayante, dans les écritures, de l'état émacié auquel le mena ce régime, et c'est le sujet d'une célèbre statue de l'art du Gandhara, qui représente Siddhartha à ce stade de sa carrière comme un personnage assis ne consistant guère plus que de la peau, des os et des tendons.
Il peut nous être difficile d'admirer cette sorte d'effort ; cela nous semble probablement simplement pervers. Mais nous devons nous souvenir qu'il faisait cela avec à l'esprit un but très clair, et qu'il y avait un consensus, à l'époque, sur le fait que la pratique des austérités soit un moyen extrêmement efficace, si vous aviez le cœur à vous y engager. De nos jours aussi, en Inde, les gens sont très impressionnés par les austérités. Un de mes amis qui était moine à Sarnath me raconta un jour une visite que leur avait faite un célèbre ascète. Ses disciples convainquirent les moines que leur maître ne mangeait qu'une certaine sorte de grain le matin, et qu'il devait être prêt à sept heures pile. Cela semblait un point si important que mon ami, qui était assistant abbé, prit la responsabilité de s'assurer que leur hôte avait ce dont il avait besoin. Le matin, il apporta donc le plat dans la chambre de l'ascète, juste avant sept heures, afin qu'il l'ait à l'heure – et vit que l'ascète était parti. Il restait deux de ses disciples, et mon ami leur demanda une explication : « Voici ce qu'il veut, juste à l'heure où il le veut, et il ne l'a pas même attendu. » Les disciples répondirent : « Ah, c'est sa grandeur ! » Il va sans dire que mon ami leur dit très poliment ce que leur maître pouvait faire avec sa grandeur et, comme vous pouvez l'imaginer, cela ne passa pas très bien. Mais cette sorte d'excentricité peut attirer beaucoup d'attention en Inde. Même en Occident, dans certains cercles religieux, l'excentricité peut vous amener un certain nombre d'adeptes.
Le fait que Siddhartha abandonne tout ceci, qu'il abandonne les attentes que les autres avaient de lui, qu'il retourne encore et encore au fait de n'être personne, exigeait de lui un courage psychologique et spirituel d'un ordre élevé, héroïque. Il est beaucoup plus facile de faire quoi que ce soit, aussi difficile cela soit-il, quand vous avez d'autres personnes autour de vous, qui vous idolâtrent et vous applaudissent, disant : « Regardez-le, voyez comme il est héroïque ! » Mais quand personne n'aime ce que vous faites et quand les admirateurs vous quittent en hâte, par dégoût, c'est une mise à l'épreuve, et il y a très très peu de gens qui peuvent gérer cela. On pourrait dire que Jésus a fait une telle expérience dans le jardin de Gethsémani.
Une résolution inébranlable.
Finalement, ayant réalisé pour lui-même ce qu'était la vraie voie, celle qui passait par les étapes de la méditation, Siddhartha se fixa son but, avec une résolution inébranlable. À ce point, des paroles belles et fortes sont mises entre ses lèvres par certains des premiers compilateurs des écritures : « Que le sang sèche, que la chair se flétrisse, mais je ne bougerai pas de cet endroit avant d'avoir atteint l'Éveil. » Il ne dit pas : « Bien, je vais essayer cela pendant quelques jours, et si ça ne marche pas, je suppose qu'il me faudra juste essayer quelque chose d'autre. » Son engagement, une fois qu'il avait vu la voie devant lui, fut total et sans compromission. Rien de moins que cela n'aurait suffit pour le but qu'il s'était fixé, qui était de renverser l'existence conditionnée. L'Éveil du Bouddha est donc très souvent décrit en simple termes héroïques comme une victoire, une victoire contre Mara, l'incarnation bouddhique du mal. Le nom « Mara » signifie littéralement « mort », et Mara personnifie toutes les forces du mal existant dans notre propre esprit, nos émotions négatives, nos conditionnements psychologiques, etc., tout ce qui nous lie à une souffrance répétée – en bref, notre avidité, notre haine, et notre ignorance. Et du fait de sa victoire sur Mara, un autre des titres donnés au Bouddha est Marajit, le conquérant de Mara.
L'atteinte de l'Éveil par le Bouddha ayant été de manière si évidente l'expression – l'expression ultime – de l'idéal héroïque, il n'est pas surprenant que son enseignement insiste tant sur l'indépendance de soi, sur le fait de ne se reposer sur personne, pas même sur lui. Il y a une célèbre exhortation faite par le Bouddha qui apparaît plusieurs fois dans les écritures en pâli : « Tout ce qu'un maître peut faire, je l'ai fait pour vous. Voilà les racines de l'arbre. Asseyez-vous et méditez ; c'est à vous de faire le reste. » Il poussait toujours les moines, leur demandant où ils en étaient, comment cela se passait, ne les laissant jamais se relâcher, les encourageant sans cesse, les inspirant à faire de plus grands efforts. Et, pour la plupart, ils répondaient. D'autres se lassèrent un peu, rechignant à la vitesse à laquelle le Bouddha les faisait avancer ; mais ils partirent rapidement à la recherche d'un autre maître.
Le Bouddha savait par expérience personnelle que ce n'était pas une chose facile. En plus d'une occasion, il parla de la vie spirituelle comme d'une bataille et s'adressa aux moines en termes martiaux : « Nous sommes des kshatriyas, des guerriers », leur dit-il. Et il ne voulait pas dire que ses disciples étaient de la caste des kshatriyas, car ses disciples venaient de toutes les castes, des brahmanes aux intouchables (candalas), et aucune distinction de caste n'était respectée dans la Sangha. Il dit : « Nous sommes des guerriers car nous sommes des combattants. Et que combattons-nous ? Nous nous battons pour le shila, la vie éthique ; nous nous battons pour la samadhi, la conscience supérieure ; nous nous battons pour la prajña, la sagesse, et nous nous battons pour la vimukti, l'émancipation spirituelle complète. » Dans de tels passages, le Bouddha apparaît comme l'incarnation de l'intrépidité et de la confiance en soi. Il n'a pas de fausse humilité, il ne fait pas de bravades. Sa parole est appelée son simha-nada, son rugissement de lion. Nous connaissons tous des gens qui bêlent comme des moutons, voire même qui bêlent faiblement comme des petits agneaux, et nous connaissons des gens qui jappent ou aboient comme des chiens. Mais les paroles du Bouddha sont comparées au rugissement d'un lion car, selon la mythologie indienne, lorsque le lion rugit toutes les autres bêtes de la jungle se taisent. Quand le Bouddha présente la vérité, personne ne peut y résister.
L'idéal du bodhisattva, un idéal héroïque.
Vous n'avez pas besoin de lancer votre filet très loin pour trouver un éloge ou une mise en pratique de l'idéal héroïque dans les écritures bouddhiques. Pour cependant avoir une impression plus directe et immédiate de la nature fondamentalement héroïque de l'idéal bouddhique, il vous suffit de regarder quelques-unes des images les plus fortes de l'art bouddhique. Je ne parle pas ici de la tradition de sculpture du Gandhara, qui n'est pas purement indienne et est parfois un peu mièvre, mais de la tradition du Mathura, nommée d'après un lieu proche de l'endroit où est Dehli aujourd'hui, et de l'ancien art purement indien, qui a plus insisté sur la vigueur que sur la gentillesse, sur la confiance que sur la tendresse, sur la force que sur la douceur. Une caractéristique de ce mouvement est la représentation du Bouddha debout, sous la forme d'un homme fort dans la fleur de l'âge, fermement droit, comme une grande tour ou un arbre massif, et faisant avec ses mains l'abhaya mudra, le geste de l'intrépidité.
L'art bouddhique ne se focalise bien sûr pas seulement sur le Bouddha, et l'idéal héroïque ne s'incarne pas non plus seulement dans la personne du Bouddha. La plus importante contribution du Mahayana à la vision bouddhique est le personnage du bodhisattva. En tant qu'archétype, le bodhisattva devint une manifestation symbolique d'un aspect particulier de l'Éveil ; et un de ces bodhisattvas archétypaux les plus importants et les plus vénérés est Mañjushri, qui représente la sagesse. Tout comme dans le Dhammapada le Bouddha décrit celui qui avance selon le Dharma comme un destructeur de l'armée de Mara avec l'épée de la sagesse, Mañjushri, sous la forme appelée Arapacana Mañjushri, est représenté brandissant au-dessus de lui l'épée enflammée de la connaissance ou de la sagesse. Plus tard encore, dans le développement historique du bouddhisme, le personnage central du bouddhisme tantrique est le Vajrapani courroucé, qui représente, dans son aspect visuellement effrayant, l'énergie héroïque et sans peur de l'esprit Éveillé. Dans sa main droite, il brandit un vajra, une arme indestructible d'une force irrésistible.
L'idéal du bodhisattva, la détermination de guider tous les êtres sensibles vers le nirvana, est le résumé de l'idéal héroïque dont la propre vie du Bouddha est un exemple. Dans la littérature du Mahayana, le bodhisattva est comparé à la nouvelle lune : le bodhisattva est au Bouddha ce que la nouvelle lune est à la pleine lune. Tout comme la nouvelle lune croît pour devenir la pleine lune, le bodhisattva croît vers la bouddhéité, et il le fait par la pratique des six paramitas, les six vertus transcendantes : la générosité, l'éthique, la patience, l'énergie, la concentration méditative et la sagesse. Selon le Mahayana, ces vertus doivent toutes être pratiquées à une échelle véritablement héroïque. Il ne s'agit pas d'avoir ça et là un sursaut de générosité, ou une conscience momentanée de la dimension éthique dans le choix de nos actions, ou un degré raisonnable de patience, ou une effusion irrégulière d'énergie spirituelle, ou un minimum d'absorption méditative une ou deux fois par semaine, ou un petit moment de réflexion et de contemplation du Dharma.
Prenons la générosité, par exemple. Le bodhisattva ne donne pas que des choses matérielles : il donne aussi ses membres ou sa vie, si nécessaire. C'est dans ce contexte que nous pouvons comprendre l'immolation des moines vietnamiens qui voulaient attirer l'attention sur la terrible condition spirituelle de leur pays. Et le bodhisattva pratique toutes les vertus ou perfections non pas pendant une vie, mais (selon la vision héroïque du bouddhisme Mahayana) pendant un nombre de vies formidable, s'étendant sur trois kalpas, trois ères incommensurables.
Le bodhisattva en tant que héros est décrit particulièrement clairement dans un passage de l'Astasahasrika, la Perfection de la sagesse en 8.000 lignes. Comme c'est d'habitude le cas dans les soûtras de la Prajñaparamita, le Bouddha s'adresse à son disciple Subhuti :
Suppose, Subhuti, qu'il y ait un héros parmi les meilleurs, très vigoureux, de haute position sociale, beau, attirant et très agréable à regarder, en possession des toutes les meilleures des vertus, des vertus qui émanent du plus haut de la souveraineté, la moralité, l'érudition, la renonciation, et ainsi de suite. Il est judicieux, capable de s'exprimer, de formuler clairement ses vues, de justifier ses affirmations ; il connaît toujours le bon moment, la bonne place et la bonne situation pour tout. Au tir à l'arc, il a été aussi loin que l'on peut aller. Il réussit à parer toutes les formes d'attaque, il est extrêmement compétent dans tous les arts et, grâce à ses belles réalisations, est le plus avancé dans tous les métiers. Il a une bonne mémoire, est intelligent, malin, appliqué et prudent, il connaît tous les traités, a beaucoup d'amis, est riche, avec un corps vigoureux avec de larges membres, avec toutes ses facultés complètes, généreux envers tous, cher et plaisant à beaucoup. Tout travail dans lequel il s'engage, il le termine. Il parle méthodiquement, partage sa grande richesse avec beaucoup, honore ce qui doit être honoré, vénère ce qui doit être vénéré. Une telle personne, Subhuti, ressentirait-elle une joie et un enthousiasme toujours croissants ?
Subhuti : Elle les ressentirait, Ô Seigneur.
Le Seigneur : Suppose maintenant encore que cette personne, si grandement accomplie, ait emmené sa famille en voyage, son père et sa mère, son fils et ses filles. Du fait d'une certaine circonstance, ils se retrouvent au milieu d'une grande forêt sauvage. Les stupides, parmi eux, ressentirait de l'appréhension, de la terreur, une peur à faire se dresser les cheveux. Lui, cependant, dirait sans peur à sa famille : « Ne craignez rien ! Je vais bientôt vous mener en sécurité hors de cette forêt terrible et effrayante. Je vais bientôt vous libérer ! » Si, alors, de plus en plus de forces hostiles et inamicales se liguaient contre lui dans cette forêt, cet homme héroïque déciderait-il d'abandonner sa famille et de partir seul hors de cette forêt terrible et effrayante – lui qui n'est pas quelqu'un à se reculer, qui est doué de toutes les forces de la fermeté et de la vigueur, qui est sage, excessivement tendre en compatissant, courageux et maître de maintes ressources ?
Subhuti : Non, Ô Seigneur. Car cette personne, qui n'abandonne pas sa famille, a à sa disposition de puissantes ressources, tant en elle qu'à l'extérieur. De son côté, des forces vont apparaître dans cette forêt sauvage qui sont tout à fait à la hauteur des forces hostiles et inamicales, et elles vont se lever pour lui et le protéger. Ses ennemis et ses adversaires, qui cherchent un point faible, ne pourrons l'attraper. Il est compétent pour gérer la situation, et il est capable, sain et sauf, de faire rapidement sortir tant lui que sa famille de cette forêt. Et sains et saufs, ils atteindront un village, un cité ou une ville de marché.
Le Seigneur : Il en est exactement de même avec un bodhisattva qui est plein de pitié et qui se sent concerné par le bien-être de tous les êtres, qui demeure dans la bienveillance, dans la compassion, dans la joie sympathique et dans l'impartialité.
Voici donc, provenant de la tradition de la Prajñaparamita, un récit du bodhisattva en tant que héros, menant tous les être sensibles hors des profondes forêts du samsara vers la cité de l'Éveil. Si nous nous tournions vers d'autres traditions, vers le zen ou le bouddhisme tantrique, nous pourrions produire de nombreux autres exemples de l'idéal héroïque dans le bouddhisme. Mais il a en peut-être été dit assez pour chasser la notion du bouddhisme comme d'une tradition et d'un enseignement désengagés, anémiés ou veules. Nous pourrions dire, au contraire, qu'il affirme l'idéal héroïque à un degré tel qu'il devrait ne pas du tout être à la mode. Et en tant que bouddhistes nous devrions être prêts à questionner les idées et les attitudes à la mode. Pour un bouddhiste, il doit sembler très dommage que l'idéal héroïque ait été discrédité et déconsidéré durant ce siècle, car les gens ont vraiment besoin d'une chose pour laquelle vivre et, si nécessaire, mourir. L'idéal héroïque est si fondamental dans le bouddhisme que nous pouvons dire qu'il coïncide avec la vie spirituelle elle-même. L'héroïsme est intrinsèque à la quête de l'Éveil, et il va donc jusqu'au cœur de la nature essentielle du Bouddha.
'Who is the Buddha?' © Sangharakshita, Windhorse Publications 1994, traduction © Ujumaṇi, 2011.
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