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À propos des rituels bouddhistes

Nombre des gens qui commencent à s'intéresser à la pratique du bouddhisme après être venus à des sessions dans un centre de la Communauté bouddhiste Triratna sont attirés en premier lieu non pas par le bouddhisme en tant que tel, mais par les sessions d'introduction à la méditation. D'autres peuvent rencontrer les aspects spécifiquement « bouddhiques » des activités de la Communauté bouddhiste Triratna parce qu'ils ont suivi d'autres cours, de yoga par exemple, ou parce qu'ils ont fait des achats dans une des coopératives de moyens d'existence justes tenues par des mitras et des membres de l'Ordre bouddhiste Triratna (ces coopératives sont nombreuses dans certains pays). D'autres encore ont pu lire des livres sur le bouddhisme avant de contacter la Communauté bouddhiste Triratna. Quelle que soit son approche, si quelqu'un qui est en contact avec la Communauté bouddhiste Triratna désire approfondir son intérêt pour le bouddhisme, l'étape suivante est probablement pour cette personne d'aller à une soirée des « habitués » au Centre le plus proche, et il y a des chances que ce soit là que, pour la première fois, elle fasse la rencontre d'un aspect de la pratique bouddhique dont elle n'a pas fait l'expérience auparavant, et dont elle ne connaît peut-être pas grand-chose, voire rien du tout : le développement et l'expression de la  foi et de la dévotion par le chant et la puja rituels - d'où notre présentation des rituels bouddhiques qui suit.

Préjugés courants concernant les rituels.

Pour beaucoup de gens, la découverte de ces pratiques - et de l'importance qui leur est accordée - est un peu une surprise. Certains commencent rapidement à les apprécier, tandis que d'autres ont des réactions de rejet, allant d'une certaine perplexité quant à la façon de faire rentrer ces pratiques dans leurs préconceptions du bouddhisme en tant que système « rationnel », à une révulsion complète face à l'idée du rituel et de la dévotion. L'objectif de cet article n'est donc pas seulement d'expliquer le but du rituel et de la dévotion dans le bouddhisme, et plus spécifiquement l'objet des pratiques correspondantes utilisées dans la Communauté bouddhiste Triratna, mais aussi de considérer brièvement certaines des raisons pour lesquelles les Occidentaux, en particulier, ont si souvent, au début, des réactions de rejet de ces pratiques. On peut espérer qu'une compréhension plus claire des sources de ces réactions permettra de les surmonter plus aisément, et permettra de considérer les pratiques de dévotion comme étant les outils valables de développement personnel qu'elles sont réellement.

La principale source de réaction de rejet face aux pratiques de dévotion est un certain nombre d'idées fausses et reçues quant aux rituels et à la dévotion en tant que tels, et quant à leur nature et à leur but dans le bouddhisme. En fait, c'est une litote de dire que ce ne sont que des idées fausses qu'il nous faut considérer : il serait plus vrai de dire qu'il y  a de nos jours en Occident une atmosphère de préjugés, et dans certains  cas même de franche hostilité, face à l'idée même que le rituel et la dévotion puissent avoir une place dans un système spirituel, quel qu'il soit. Un sentiment répandu est que le rituel et la dévotion - et en particulier le rituel - représentent un état de dégénération, à chaque fois qu'ils sont rencontrés dans une des grandes religions « universelles » du monde, et que de telles pratiques n'apparaissent que lorsque la vérité et la vision originelles d'une religion ont été perdues ou obscurcies, et que  ce sont des choses qui, loin d'avoir une valeur intrinsèque, sont superflues et pourraient et devraient même être supprimées.

Bien sûr, il pourrait être argumenté qu'il n'y a pas de nos jours  de préjugé répandu contre la dévotion et le rituel parce que nous vivons dans une société essentiellement séculière, et parce que seule une petite minorité de gens s'intéressent à la religion, pour ne pas parler de dévotion  et de rituel. Cet argument ne semble cependant pas passer le cap de l'expérience, au moins en ce qui concerne la majorité des gens qui commencent à s'intéresser à la pratique de la méditation et du bouddhisme ; ces gens viennent de milieux très différents, religieux ou non, et pourtant des réactions de rejet à la découverte de la présence d'éléments de rituel et de dévotion dans le bouddhisme sont communes chez une surprenante proportion d'entre eux.

Il semble donc que nous ayons à faire avec des préjugés très répandus et enracinés, avec des notions généralement acceptées qui sont devenue partie intégrante de notre héritage culturel, et que nombre d'entre nous acceptons sans plus y réfléchir qu'à d'autres normes en vigueur dans les groupes auxquels nous appartenons. Mais quelle est la source de ces préjugés ? Pourquoi tant d'Occidentaux s'opposent-ils aux aspects de rituel et de dévotion du bouddhisme, pourquoi les rejettent-ils, pourquoi les mettent-ils parfois en colère, même ?

Origine de ces préjugés.

Afin de répondre à cette question, il nous faut commencer par voir d'où vient le préjugé général contre le rituel et la dévotion, puis  nous devons considérer comment ce préjugé est, en partie du  moins, à l'origine de certaines idées fausses sur le bouddhisme, et en particulier sur le rituel et la dévotion dans le bouddhisme.

Pour trouver la source de ce préjugé qui existe en Occident, et en particulier dans l'Occident protestant, il nous faut commencer par remonter assez loin dans notre histoire culturelle. Dès les tout débuts de la société humaine, aussi loin que l'on puisse en juger, les rituels ont eu une place claire dans la vie sociale. Ils ont peut-être commencé comme un moyen d'affirmer une identité de groupe ou de tribu, mais cela ne veut pas dire que ces rituels n'avaient pas un aspect « religieux » ; dans les sociétés primitives il tendait simplement à ne pas y avoir de distinction claire entre les aspects « religieux » et « séculaires » de la vie. La conjonction de la dévotion et du rituel est cependant la marque d'un développement nouveau, plus élevé et spécifiquement spirituel, que l'on ne trouve que lorsqu'une société a atteint un stade de relative sophistication, dans lequel les individus ont réalisé un certain degré de conscience de soi spirituelle, et dans laquelle des institutions spécifiquement « religieuses » se sont développées.

Tel était le cas dans l'Europe médiévale. Là, comme dans des stades plus primitifs des sociétés, le rituel et la dévotion faisaient vraiment partie de la vie quotidienne, de l'ordre des choses : il suffit  de considérer la place centrale qu'avaient la messe et les autres cérémonies, sacrements et célébrations dans la vie du peuple, ainsi que l'immense dévotion populaire devant les reliques de saints. Dans ce genre de société, la signification du rituel et de la dévotion n'avait pas besoin d'être expliquée ; leur valeur spirituelle était appréciée d'une façon très naturelle, sans  besoin d'aucune notion préalable.

Cependant, à partir de la fin du XVème siècle, avec le développement de la Réforme protestante, sont apparues, en même temps que des attaques faces aux divers abus qui avaient affecté le christianisme médiéval, les prémisses d'un mouvement contre ce qui était considéré comme de la « superstition » dans la religion, et en faveur d'un retour à la supposée « simplicité » du christianisme originel. Entre autres choses, la « superstition » comprenait nombre des objets de la dévotion populaire du christianisme médiéval, tandis que la « simplicité » impliquait l'éradication du rituel. Sur une période de deux cents ans, ce mouvement prit de l'ampleur en Europe du Nord, et culmina au XVIIIème avec des tentatives, d'une part de la part des déistes et des rationalistes, pour créer une forme de religion purement « rationnelle », et d'autre part de la part des partisans du Réveil, les revivalistes chrétiens, pour supprimer tous les vestiges restants de rituel. Les effets  de ces deux mouvements se firent sentir dans toute l'Europe et en Amérique : les rationalistes firent du rituel et de la dévotion quelque chose de déshonorant,  tandis que les revivalistes les rendirent inacceptables à grande échelle. Entre eux, ils générèrent au sujet du rituel et de la dévotion la base de notions répandues qui prédominent encore aujourd'hui.

S'ajoutent à ceci les effets importants des tentatives faites par  des penseurs séculiers plus récents, tels que Karl Marx ou Sigmund Freud, pour démolir complètement la religion - dans un cas comme « opium du peuple », dans l'autre comme expression compulsive et névrotique de désir sexuel réprimé. On pourrait énumérer d'autres facteurs qui ont mené aux préjugés contre le rituel et la dévotion, mais ceux qui ont déjà été cités devraient suffire à montrer pourquoi de nombreuses personnes, de nos jours, ont de grandes difficultés à accepter les pratiques de dévotion et de rituel qui sont une partie intégrante et vivante du bouddhisme - pour ne pas parler d'en bénéficier. Les Occidentaux modernes sont peut-être aliénés de ces formes d'expression : elles ne font pas partie des normes prédominantes de la culture ou du groupe, tandis que la désapprobation ou le mépris sont devenus prédominants dans la culture contemporaine.

Ce mépris prend généralement la forme d'une espèce de condescendance devant le rituel et la dévotion, qu'il s'agisse de leur manifestation sous forme de danse tribale primitive, de messe catholique, ou de puja bouddhiste. La dévotion et le rituel, n'ayant pas été universellement pratiqués pendant quelques centaines d'années, semblent, aux yeux des Occidentaux contemporains, appartenir à  un stade de développement de l'humanité que nous avons dépassé depuis longtemps. Comment de telles pratiques et un tel charabia primitifs peuvent-il avoir quelque chose à offrir aux gens modernes ?    

Cette forme de généralisation dérive d'une incapacité à distinguer les rituels de groupe « primitifs », la magie, le chamanisme,  etc., des techniques psycho-spirituelles d'une nature dévotionnelle et rituelle trouvées dans les systèmes spirituels hautement développés tels que le bouddhisme. Étant tous considérés comme primitifs, ils sont tous rejetés  de la même façon. Si, cependant, on regarde plus particulièrement les idées fausses au sujet du rituel et de la dévotion dans le seul bouddhisme, on trouve que l'Occidental moderne, avec son héritage de rationalisme protestant et de tout ce qui l'a suivi, va parfois plus loin et affirme que, dans la mesure où les éléments de rituel et de dévotion existent dans le pratique bouddhique, ils ne peuvent que représenter un développement tardif et décadent, et non une partie essentielle du bouddhisme. Il est donc pensé que ces éléments devraient être supprimés ou ignorés par les bouddhistes occidentaux afin de retourner à l'enseignement et la pratique originaux et purs décrits par le Bouddha.

La distorsion protestante de cette façon de penser devrait être apparente dans la discussion des paragraphes ci-dessus : c'est l'idée selon laquelle le rituel a été discrédité car c'est une superstition et que, donc, son apparition dans le bouddhisme doit avoir été une espèce d'aberration - le Bouddha a spécifiquement condamné les rites et les cérémonies. Ce genre d'idée fausse s'est répandu et a pris racine précisément parce qu'une forme de pensée protestante a été appliquée au bouddhisme. Nombre des pionniers qui, au XIXème siècle, furent les premiers à étudier le bouddhisme et qui firent les premières traductions de textes bouddhiques en langues occidentales, ont laissé leurs préconceptions protestantes s'infiltrer dans leurs interprétations de ce qu'ils trouvaient. D'où la représentation du Bouddha en tant qu'anti-ritualiste, basée sur la mauvaise traduction d'un passage dans lequel il décrit comment l'attachement envers les rites et les observances morales considérés comme des fins en eux-mêmes, est une entrave plutôt qu'un moyen d'atteindre l'Éveil. Du fait de ce genre de mauvaise interprétation, l'Occident vit tout d'abord le bouddhisme comme un système rationnel, dépourvu non seulement de rituel et de dévotion, mais aussi de tout ce qui est miraculeux, archétypal ou transcendant ;  les sections des textes en pâli qui traitent de ces aspects étaient considérées comme des additions tardives et étaient soit simplement non traduites, soit rejetées comme étant des corruptions. De cette façon, une vue très partiale du bouddhisme émergea : une croyance qui persiste, malgré toutes les preuves du contraire, selon laquelle le bouddhisme est une philosophie purement rationnelle (que le Bouddha conçut en la « pensant », assis sous l'arbre  de la bodhi), à laquelle s'ajoute un système éthique. Le Bouddha est vu comme un maître à la Socrate, qui n'aurait jamais approuvé les développements « religieux » qui sont représentés comme ayant été ajoutés à sa philosophie après sa disparition.

Cette vue totalement erronée semble avoir persisté, bien que décriée par les générations suivantes d'érudits occidentaux et, bien sûr, par les bouddhistes occidentaux. Il en résulte que de nombreuses personnes qui approchent le bouddhisme en s'attendant à trouver une philosophie de la vie purement rationnelle et non théiste sont intriguées et perplexes, voir parfois complètement repoussées quand elles découvrent qu'il n'y aucune école du bouddhisme, quelle qu'elle soit, pour laquelle les pratiques de dévotion et de rituel ne sont pas importantes. En fait, dans certaines écoles, la pratique semble au premier abord ne consister en rien d'autre que des rituels et de la dévotion. Clairement, si l'on souhaite sérieusement se lancer dans la pratique du bouddhisme (c'est-à-dire du bouddhisme selon ses propres termes, et non d'un bouddhisme dont les éléments inacceptables ont été retirés), alors tôt ou tard on devra en accepter les aspects de rituel et de dévotion. Nous devons donc essayer de voir où et comment la dévotion et le rituel prennent leur place dans le bouddhisme, et de voir pourquoi ces pratiques ont toujours été un aspect aussi important de la voie bouddhique, et quel est leur véritable but dans le contexte de la vie spirituelle.

Pratiques de dévotion.

Le but fondamental du rituel et de la dévotion bouddhiques est la résolution d'un dilemme fréquent, presque quotidien : la difficulté que nous avons tous à transposer la théorie en pratique. Il se peut que nous  sachions parfaitement comment faire quelque chose, ce peut même être quelque chose qui est très facile, quelque chose que nous avons fréquemment fait auparavant, comme faire la vaisselle, et cependant nous  sommes incapables de nous résoudre à le faire, ou si nous le faisons c'est avec résistance, voire avec ressentiment ; la tâche est ennuyeuse, nous préférerions faire quelque chose d'autre, n'importe quoi d'autre ! Ou bien il nous faut mettre en pratique une compétence ou une technique que nous avons apprise, que nous  avons peut-être dû apprendre pour une raison ou une autre, et cependant  nous ne pouvons pas nous y appliquer. Peut-être connaissons-nous bien la raison pour laquelle nous n'y arrivons pas, ou peut-être cela nous rend-il perplexe et nous nous demandons pourquoi nous n'y arrivons pas.

La réponse, ou au moins la raison pour ce dilemme, est très simple : une large part de nous-même n'est pas impliquée dans l'activité, et nous retient. C'est parce que nos émotions ne sont pas engagées dans la tâche. Si nos         émotions ne sont par engagées, alors il nous est très difficile d'agir. Quand ce genre de choses arrive, nous disons que « nous n'avons pas le cœur à l'ouvrage », ou que nous sentons que nous manquons de motivation.

Ce manque d'engagement émotionnel n'est pas seulement un problème  dans la vie quotidienne ordinaire. C'est aussi un des plus grands problèmes rencontrés par toute personne essayant de mener une vie spirituelle. Le problème est clairement résumé dans un dialogue bien connu qui prit place entre le patriarche bouddhiste Bodhidharma et l'Empereur de Chine. Bodhidharma y décrit ainsi l'essence de l'enseignement bouddhiste : « Cesser de faire le mal, apprendre à faire le bien, purifier le cœur ». L'Empereur, s'attendant à quelque chose de bien plus abstrus, s'exclame alors : « Mais un enfant de trois ans peut comprendre cela ! » Ce à quoi Bodhidharma répond : « Oui, mais même un vieil homme de quatre-vingt ans est incapable de le mettre en pratique. »

La plupart d'entre-nous ne trouverons pas impossible de comprendre de façon purement intellectuelle les enseignements bouddhiques les plus difficiles, comme le principe de la co-production conditionnée, la doctrine du non-soi, la quadruple vacuité, etc. Mais cependant, quand il s'agit de vraiment cesser de faire du mal, d'apprendre à faire du bien, et de purifier notre cœur, nous constatons que, d'une façon ou d'une autre, nous ne sommes pas intéressés. Peut-être nous sentons-nous assez avancés, spirituellement, car nous avons une bonne connaissance de l'Abhidharma ou de la dialectique du Madhyamika, et cependant, si nous sommes honnêtes, pouvons-nous dire que nous mettons vraiment en pratique ne serait-ce que le premier des cinq préceptes ? Il semble toujours y avoir un gouffre entre la théorie et la pratique ; la compréhension théorique du bouddhisme est nécessaire, et même indispensable, mais à moins que, via un engagement émotionnel, elle ne puisse être traduite en une véritable motivation pour agir et pour nous changer, elle n'aura absolument aucun effet pratique sur notre  vie.

La question qui suit inévitablement ceci est : pourquoi est-il si  difficile de s'impliquer émotionnellement ? Si nous pouvons voir qu'une chose est juste, ou vraie, ou bien si, simplement, elle semble être pleine de bon sens, alors pourquoi nos émotions ne se mettent-elles pas en marche et ne s'engagent-elles pas immédiatement avec cette chose ? La réponse est que nos émotions ne sont pas à notre disposition, et reconnaître ce fait est une pré-condition très importante à notre mise en route sur le chemin spirituel. En ce qui concerne nos émotions, nous passons une grande partie de notre vie dans l'un de deux états principaux. Le premier, qui pour la plupart des gens est probablement celui qui prédomine, est un état d'engourdissement émotionnel, voire une incapacité à ressentir les émotions. C'est un état de blocage émotionnel. Naturellement, les blocages émotionnels se produisent pour des raisons différentes chez des personnes différentes : il peut y avoir des répressions qui ont commencé durant la jeune enfance, il peut y  avoir une vie passée dans des situations impliquant des gens avec lesquels il est impossible d'être émotionnellement libre et ouvert. Quelle qu'en soit la raison, il semble y avoir très peu de gens, en particulier en Occident de nos jours, qui ne sont pas sujets à des blocages émotionnels

Le second état implique l'expérience d'émotions négatives telles que la colère, le ressentiment, la peur, etc. Pour la majorité des gens,  faire l'expérience d'émotions veut malheureusement dire faire l'expérience d'émotions négatives. Non seulement ces dernières semblent-elles  apparaître bien plus facilement et fréquemment que les émotions positives telles que la joie, l'amour, la réjouissance, mais beaucoup de  gens cherchent en fait à les provoquer, par exemple en regardant des films d'horreur, de telle sorte que pendant un moment au moins ils font vraiment l'expérience d'une émotion. Toutes les émotions négatives ont cependant un effet d'épuisement : elles nous laissent avec le sentiment d'être diminué et malheureux - prêt, en fait, pour l'apparition d'autres émotions négatives.

L'engagement émotionnel dans la vie spirituelle est ainsi empêché  par ces états, et il faut y travailler et les résoudre à un niveau purement psychologique avant que l'on ne puisse commencer toute pratique  spécifiquement « spirituelle » du bouddhisme. Voilà particulièrement l'objet de  notre pratique initiale de la méditation : travailler dur à remplacer les états neutres ou négatifs par une expérience de plus en plus grande des états positifs, en particulier par la pratique du metta-bhavana et en maintenant une vigilance constante face à l'apparition de la négativité.

À l'aide de cette pratique initiale, notre « énergie » émotionnelle commence à se libérer, et à couler dans une direction positive plutôt que négative : nous commençons en fait à nous engager émotionnellement dans notre développement spirituel et, en conséquence, d'autres actions deviennent plus faciles. Cette « libération » ne marque cependant qu'un début : l'énergie émotionnelle devient plus fluide, en conséquence de quoi nous devenons plus sains psychologiquement, mais cette énergie émotionnelle est encore quelque peu brute, et n'est pas complètement positive. Afin de continuer à progresser, il est nécessaire de commencer à raffiner et à sublimer l'énergie émotionnelle qui est à notre disposition, afin de développer des émotions encore plus subtiles et positives, en d'autres termes des émotions spirituelles. Ce n'est qu'en ayant à notre disposition une énergie émotionnelle « spirituelle », dans le sens d'être extrêmement raffinée, puissante et positive, que nous pouvons nous motiver pour traduire notre compréhension et notre vision du Dharma en véritable réalisation.

Il y a de nombreuses méthodes différentes que nous pouvons utiliser pour raffiner nos émotions, une fois que ces dernières sont, si  l'on peut dire, à notre disposition. Une approche extrêmement valable est l'appréciation des arts : la musique, la peinture, la poésie, etc. En apprenant réellement à apprécier l'art à son plus haut niveau, et à y répondre plutôt qu'à simplement le consommer, notre niveau de sensibilité émotionnelle peut être grandement élevé. Le bouddhisme nous donne cependant un moyen de  raffiner plus encore nos émotions. Nous pouvons dire que, si l'art, à ses pinacles les plus élevés, habite sans doute aucun la région de l'« émotion spirituelle », les pratiques de dévotion et de rituel bouddhiques vont bien plus loin pour nous aider à élever nos émotions au  niveau de la shraddha, la foi.

Développer la foi.

La shraddha, la foi, peut être décrite comme notre réponse émotionnelle à des valeurs supérieures, spirituelles. La réponse naturelle des émotions positives et raffinées, quand elles rencontrent le transcendant tel qu'incarné dans un être Éveillé comme le Bouddha, est de s'y diriger, d'y répondre, comme le suggère la racine du mot shraddha, qui est « mettre le cœur sur ». La shraddha, donc, est la foi, mais ce n'est pas une foi aveugle ou une simple croyance sans soutien, en l'Éveil du Bouddha. La shraddha n'apparaît que sur la base d'un certain degré de  compréhension d'une réelle vue pénétrante : nous voyons et nous savons que le Bouddha est véritablement un être Éveillé. Cette perception de la réalité de l'Éveil peut prendre la forme d'une intuition spirituelle -  une compréhension dans le sens de « compréhension juste » ou de « vision parfaite », le premier stade du Noble chemin octuple ; ou bien cette perception peut apparaître lorsque l'on voit, dans les récits de la vie du Bouddha, que ses actions et ses qualités sont celles  d'un être Éveillé ; ou bien encore on peut aussi réaliser quelques-uns des fruits de son enseignement, et ainsi avoir foi en sa réalisation. Cependant, quelle que soit la manière dont elle apparaît, la shraddha a un résultat inévitable : l'action. Nous avons vu plus haut que la théorie ne  peut être traduite en « pratique » effective que si les émotions sont impliquées ; à ce niveau bien plus élevé les choses sont identiques, le même principe s'applique (la shraddha est le catalyseur émotionnel qui traduit la vision la vision pénétrante spirituelle en action) spécifiquement dans l'acte d'Aller en refuge, d'engagement dans la réalisation personnelle de l'Éveil incarné par le Bouddha.

Il n'est pas exagéré de dire, donc, que la vie spirituelle, dans le sens propre et entier du terme, commence avec la shraddha ; dans les écritures en pâli, elle est en fait appelée la « graine » d'où grandit l'arbre de la sagesse qui porte le « fruit de la délivrance ». Ceci étant le cas, pour celui qui aspire à une vie spirituelle, le développement de la shraddha est clairement le pas important qui suit le développement des émotions positives ordinaires, et c'est avant tout vers le développement de la shraddha que sont tournées les pratiques de rituel et de dévotion bouddhiques. Nous venons de voir quelques-unes des façons  selon lesquelles peut apparaître la shraddha ; elle peut en fait apparaître en dépendance de la combinaison de nombreux facteurs différents. Les pratiques de dévotion sont parmi les moyens les plus puissants pour engendrer en soi-même les conditions les plus favorables - l'attitude d'esprit ou, plutôt l'« attitude » de tout l'être - pour le développement et l'approfondissement de l'expérience de la shraddha. La shraddha n'est cependant pas la seule ou l'ultime émotion spirituelle : d'autres émotions, qui sont parfois plus raffinées et plus exaltées, l'accompagnent ou en naissent, comme nous le verrons quand plus loin nous considérerons la puja en sept parties.

Dans le bouddhisme, la dévotion et le rituel forment donc avant tout d'une part le moyen d'entrer en contact avec les émotions spirituelles les plus élevées et les plus raffinées, et de les développer et de les exprimer autant que nous le pouvons, et d'autre part le moyen de développer un état d'être dans lequel la compréhension, l'émotion et l'action (ou, plutôt, leurs équivalents spirituels) sont en harmonie parfaite, et parfaitement  intégrées. Ayant donc vu le but premier des pratiques bouddhiques de dévotion et de rituel, tournons-nous vers ce qu'elles comportent, et en particulier vers les pratiques utilisées dans la Communauté bouddhiste Triratna.

La liste des pratiques bouddhiques de rituel spirituel et de dévotion est longue : elle va de la simple offrande d'une fleur devant une image du Bouddha, avec un vers de dédicace, aux formes les plus complexes et colorées des pujas du Vajrayana, dans la tradition tibétaine, qui impliquent l'utilisation de nombreux objets rituels, d'offrandes particulières, de gestes, de récitations, de visualisations, etc., durant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Cependant, avant de regarder ce qui forme les pratiques, nous devons clarifier la distinction - même si elle n'est pas toujours absolument bien définie - entre dévotion, rituel, et cérémonie.

Dévotion, rituel et cérémonie.

Nous pouvons dire que toute pratique concernant le développement des émotions supérieures et spirituelles peut être considérée comme une pratique de dévotion. Le rituel, lui, a des connotations plus spécifiques, comme on peut le voir à la lecture de la définition qu'en donne le psychanalyste et sociologue Erich Fromm : « Une action partagée, exprimant des efforts  communs, enracinée dans des valeurs communes. » Une chose importante ici est le fait que le rituel est une action partagée. C'est toujours une activité collective. Les pratiques de dévotion, elles, peuvent être faites à plusieurs, ou peuvent être faites individuellement. Comme il apparaît clairement, de la définition de Fromm, le rituel en tant que tel ne doit pas nécessairement avoir un contenu de dévotion, bien que dans un contexte bouddhique ce soit invariablement le cas et qu'il soit orienté vers le développement des émotions spirituelles. Les pratiques de dévotion utilisées dans la Communauté bouddhiste Triratna peuvent toutes être faites collectivement, en tant que rituels dans le sens complet du terme, ou bien elles peuvent être faites par une personne seule. Comme les pratiques remplissent la même fonction de base dans les deux cas, aucune distinction pratique n'est faite dans ce qui suit entre la dévotion individuelle et le rituel et la dévotion collectifs.

Une cérémonie est une forme spécifique de rituel. Dans un contexte bouddhique, elle implique généralement des éléments de dévotion, mais son trait distinctif est que ce n'est pas une pratique, et qu'elle ne peut être faite individuellement. La cérémonie de mitra et l'ordination publique  sont des exemples de cérémonies utilisées dans la Communauté bouddhiste Triratna. Elles prennent toutes deux place dans le contexte d'une puja en sept parties, et impliquent des éléments de dévotion, tels que l'offrande de fleurs, de bougies et d'encens devant une représentation du Bouddha ; en fait la totalité de la cérémonie de mitra est faite de ces trois offrandes.

Comme l'indique la définition de Fromm, le rituel implique l'action : il n'y a pas d'élément de passivité dans le rituel bouddhique, pas d'actes qui sont fait « pour nous » par quelqu'un d'autre. Ceci distingue clairement les rituels bouddhiques de rituels trouvés dans des traditions religieuses où existe la fonction de prêtre et dans lesquelles seul le prêtre participe à tous les éléments du rite. Dans certaines formes de christianisme, par exemple, ceci va jusqu'à un point où l'assemblée est virtuellement exclue de toute participation active, à l'exception d'un « Amen » dit par moments, pour la forme.

Le rituel bouddhique implique tous les participants, et il les implique complètement, c'est-à-dire en actions du corps, de la parole et de l'esprit. L'esprit (qui inclut la faculté émotionnelle) est touché par la compréhension et les sentiments, la parole est impliquée dans la récitation, et le corps est impliqué dans des gestes rituels et symboliques, ainsi que dans l'utilisation ou l'appréciation de divers objets symboliques. Au cours d'une pratique donnée, disons une puja en sept parties, ces trois éléments seront naturellement unifiés en une seule expérience totale et enrichissante. Afin d'expliquer clairement les divers éléments du rituel bouddhique, il faut cependant les traiter séparément, et dans ce but ils se rangent dans deux catégories plus larges : les éléments liés aux actions du corps, et les éléments liés aux actions de la parole. Les actions de l'esprit sont si inextricablement liées à ces actions « externes » qu'elles n'ont pas besoin d'être énumérées séparément. Avec les « actions du corps », nous considérerons aussi les objets et gestes symboliques trouvés dans les rituels pratiqués dans la Communauté bouddhiste Triratna, et avec les « actions de la parole », les diverses récitations de dévotion qui sont communément utilisées.

Objets symboliques.

Quoiqu'il soit tout à fait possible (et pour certains cela a évidemment été le cas) de développer une attitude de dévotion et d'approfondir les émotions spirituelles sans avoir recours à aucun « accessoire » externe, l'utilisation d'objets symboliques dans les rituels est commune à  toutes les écoles du bouddhisme. Ces objets rituels fournissent non seulement un contexte physique pour les pratiques de dévotion, mais aussi, idéalement, aident à évoquer visuellement la beauté spirituelle de l'Idéal, et à donner un sentiment d'élévation qui permet d'engendrer plus facilement les émotions spirituelles.

L'objet central de la dévotion, et de la plupart des autels bouddhiques, est bien sûr la représentation du Bouddha : une peinture, une image ou une statue représentant un être Éveillé, que ce soit Shakyamuni, le Bouddha historique, ou l'un parmi les centaines - les milliers en fait -  de bouddhas et bodhisattvas « archétypaux » représentant ou, pour être plus précis, symbolisant différents aspects de l'esprit Éveillé. En termes de signification, ces différents objets devraient idéalement parler  d'eux-mêmes, mais pour de nombreux Occidentaux, au début au moins, c'est un peu une pierre d'achoppement. Une des raisons pour cela est simplement culturelle : tandis qu'une image sereine et bien dessinée du Bouddha en méditation peut transmettre presque immédiatement sa signification à à peu près n'importe qui, il faut parfois un moment pour s'habituer à certaines des formes plus « ésotériques » telles qu'Avalokitesvara à mille bras ou les bouddhas courroucés du Vajrayana. Une fois, cependant, que l'on a une certaine compréhension du symbolisme impliqué par ces formes, la plupart  des gens arrivent à les apprécier plus directement. L'autre obstacle est plus complexe et semble être lié à un sentiment que tout ceci implique une sorte d'idolâtrie - une sorte d'adoration de statuettes. Ce sentiment n'est pas toujours facile à dissiper, car il comporte une révulsion émotionnelle profonde souvent enracinée dans un conditionnement provenant de la petite enfance. La première étape est alors d'essayer de  comprendre rationnellement le but des représentations du Bouddha et de tous les autres accessoires  de la dévotion bouddhique : même si l'esprit de dévotion et la signification des symboles ne peuvent pas être compris par la seule faculté rationnelle, on peut au moins réussir à comprendre rationnellement que ces choses ne sont pas simplement irrationnelles, même si elles transcendent peut-être  la rationalité.

Il peut être utile, alors, de voir les représentations du Bouddha  comme nous représentant nous-même en potentialité. Il ne faut certainement pas les voir comme des représentations de Dieu, ou d'une sorte de dieu, à qui l'on ferait des offrandes de supplication ou autres. Et pourtant, bien sûr, on fait des offrandes aux représentations du Bouddha : si l'on  excepte la ou les représentations des bouddhas et bodhisattvas, un autel bouddhique est uniquement fait d'offrandes. Comme nous le verrons quand nous discuterons la puja en sept parties, la pratique de faire des offrandes est un des moyens les plus efficaces de développer des émotions spirituelles.

Tout objet de valeur ou de beauté peut devenir une offrande au Bouddha ; en fait, il y a une pratique particulière qui consiste à lui offrir encore et encore une représentation symbolique de la totalité de l'univers, sous la forme d'un mandala. De nombreux bouddhistes aiment avoir leur propre autel, qu'ils peuvent décorer d'offrandes qui ont une valeur ou une signification qui leur est personnelle. La plupart des autels, cependant, en particulier dans les centres de la Communauté bouddhiste Triratna, contiennent les trois offrandes de base, déjà mentionnées : des fleurs, des bougies et de l'encens. Offrir  ces trois offrandes particulières est une pratique qui remonte au temps  du Bouddha, et chacun d'elles, outre le fait qu'elle est en elle-même un objet de beauté, donnant un plaisir des sens, a une signification symbolique que l'on se remémore lorsque l'on fait l'offrande. Belles aujourd'hui, les fleurs se fanent avec le temps qui passe, et symbolisent ainsi l'impermanence. La flamme d'une bougie allumée symbolise la « lumière » qui se lève sur l'esprit Éveillé. Le parfum envahissant de l'encens symbolise l'influence favorable et positive qui s'étend sans cesse à partir de ceux qui vivent la vie spirituelle.

Outre ces trois offrandes, de nombreux autels incluent aussi d'autres offrandes sous forme de sept petits bols, souvent emplis d'eau.  Ils représentent les sept offrandes d'hospitalité traditionnelles, qui étaient faites à un invité d'honneur dans l'Inde ancienne. L'image ou la statue du Bouddha représentant sa présence en tant qu'invité d'honneur, ces sept offrandes lui sont donc faites. Ce sont de l'eau pour se laver, de l'eau  pour boire, des fleurs, de l'encens, de la lumière, de l'eau parfumée, et de  la nourriture. En certaines occasions, comme par exemple lors de pujas spéciales, ou lors de fêtes bouddhiques, ces offrandes sont faites réellement et non symboliquement, et souvent une huitième offrande est ajoutée : une fois que les sept offrandes ont été faites à l'invité d'honneur, de la musique lui est jouée si des musiciens sont disponibles. Dans une puja, de la musique peut être offerte, ou bien un instrument de musique est placé sur l'autel pour symboliser l'offrande.

Le but de l'autel est donc, en fait, d'agir en tant qu'« aide à la dévotion ». La représentation du Bouddha est un point de focalisation  de tous les actes de dévotion et, si elle est elle-même un objet de beauté - comme ce devrait être le cas - elle aide le pratiquant à entrer plus directement en contact avec les qualités auxquelles il aspire. Puis, autour de la représentation du Bouddha, on crée un environnement esthétiquement beau. Il y a tout d'abord la structure de l'autel lui-même, qui peut être fait de bois finement poli ou recouvert de tissus colorés, puis toutes les offrandes : de beaux vases et des bougeoirs fins, des bougies colorées, des fleurs bien arrangées, de l'encens parfumé, et d'autres offrandes. Tout ceci  se combine pour élever le cœur du pratiquant dès qu'il entre dans la salle de méditation, et l'inciter à faire de tout cœur ses propres offrandes.

Gestes symboliques.

Ceci nous amène au second aspect des « actions du corps » dans les rituels bouddhiques : les gestes symboliques. De ceux-ci il y a moins à dire, car bien qu'il y ait un certain nombre de systèmes de gestes symboliques (appelés mudras), en particulier dans la tradition du Vajrayana, les gestes utilisés dans les contextes de dévotion de la Communauté bouddhiste Triratna sont très simples. Ce sont des salutations-anjali, des salutations faites en joignant les mains devant la poitrine, et en s'inclinant ou en se prosternant devant l'autel. Ces deux gestes sont des actes de vénération, et les faire a une influence directe sur nos sentiments envers l'objet de la vénération, le Bouddha. Il est habituel qu'en entrant dans la salle de méditation, que ce soit pour méditer ou pour faire un acte de dévotion, chaque personne fasse une salutation-anjali et s'incline devant la représentation du Bouddha. Une fois que tout le monde est assemblé dans la pièce, la personne qui mène la méditation ou la puja conduit la suite de la salutation :

Namo Buddhaya
Namo Dharmaya
Namo Sanghaya
Namo Nama
OM AH HUM

que tout le monde répète après elle. Après cela, tout le monde s'incline devant l'autel. La signification de cette salutation sanskrite  est : « Je salue le Bouddha, son enseignement (le Dharma) et la communauté spirituelle (la Sangha), avec le corps, la parole et l'esprit. »  Les trois syllabes mantriques, OM, AH et HUM symbolisent respectivement  le corps, la parole et l'esprit.

La salutation-anjali est faite au début de toute pratique de dévotion. Ce geste a en fait une double signification : c'est une marque  de respect envers le Bouddha « extérieur », ainsi qu'une remémoration du fait que le potentiel de l'Éveil est en nous. Cette seconde signification  est symbolisée par la nature du geste lui-même. Il est fait les paumes jointes, non pas fortement serrées l'une contre l'autre, mais se touchant seulement au bout des doigts, comme si l'on y tenait avec douceur un précieux joyau - le joyau dans le lotus, ce que signifie aussi le plus connu de tous les mantras bouddhiques : OM MANI PADME HUM. Tandis que s'ouvre le lotus de notre cœur, le joyau impérissable de notre propre Éveil se révèle.

La salutation, la révérence ou la prosternation peuvent être faites à tout moment où l'on se sent enclin à le faire, mais plus particulièrement lorsque l'on entre ou l'on quitte une salle de méditation, et lorsque l'on fait des offrandes personnelles de fleurs, de bougies ou d'encens à l'autel. Souvent, lorsque les gens font des offrandes, ils font une oblation plus complète au Bouddha en s'agenouillant, en abaissant leur front jusqu'au sol, aux pieds du Bouddha pourrait-on dire. Une salutation plus complète encore est une prosternation complète, où l'on s'étend complètement sur le sol, devant l'autel. Ces pratiques ont un effet très fort en réduisant notre tendance à la fierté et à l'égotisme, ainsi qu'en augmentant notre réceptivité à l'Idéal. Quoique pour commencer de nombreuses personnes trouvent difficile, voire impossible, de s'appliquer à faire une salutation d'une de ces façons, il y en a peu qui ne réussissent finalement pas à commencer à apprécier ces pratiques si elles prennent le temps de les « ressentir ».

Ces « actions du corps » sont aussi importantes pour le développement des émotions spirituelles élevées que le sont toutes les autres facettes de la dévotion. Le but de la dévotion étant d'« alimenter » la transformation de tout notre être, les systèmes de dévotion bouddhiques assurent que toutes les parties de notre être reçoivent une attention égale, même s'il semble parfois que les mots sont prépondérants. Les « actions de la parole » donnent cependant à la dévotion bouddhique sa forme ainsi qu'une grande part de sa beauté.

Les pratiques de dévotion dans la Communauté bouddhiste Triratna.

Dans la Communauté bouddhiste Triratna, seules quatre ou cinq récitations sont utilisées régulièrement, mais, entre elles, elles recouvrent la totalité  de la dévotion bouddhique. Les principales sont le Ti Ratana Vandana,  les Refuges et préceptes, la puja en trois parties et la puja en sept parties, que nous allons considérer tour à tour, en regardant plus en détail la puja en sept parties.

Une chose qui apparaît immédiatement si l'on regarde ces textes est que le Ti Ratana Vandana et les Refuges et préceptes sont chantés en  pâli, tandis que la puja en trois parties et celle en sept parties le sont en français. La raison pour laquelle les textes en pâli ne sont pas traduits est  assez simple : ils sont récités sous cette forme et dans cette langue dans la quasi-totalité du monde bouddhiste, et cela forme un lien précieux avec de nombreuses autres écoles bouddhistes, et avec une tradition qui remonte jusqu'au temps du Bouddha. On peut avoir du mal à apprendre la signification du texte en pâli, mais ceci est très largement contrebalancé par la beauté du chant et la richesse de la langue originelle.

Le Ti Ratana Vandana.

Ti Ratana Vandana signifie « salutation aux Trois joyaux », le Bouddha, le Dharma (Dhamma en pâli) et la Sangha. Cette « salutation » consiste en une « contemplation » des qualités de chacun des Trois joyaux, l'un après l'autre, et une évocation de la shraddha faite en regardant et en appréciant la valeur des objets de la dévotion. Il y a dans chaque verset, suite à l'énumération des qualités, une expression de vénération du Joyau concerné, et d'engagement envers lui. Le Ti Ratana Vandana est généralement récité pendant la préparation à une période de méditation. Une fois que l'on a déjà fait des offrandes et salué l'autel, le Ti Ratana Vandana apporte une focalisation sur l'objectif de la méditation et un sentiment envers lui - la réalisation ultime de l'état incarné par les Trois joyaux. La récitation elle-même aide à faire la transition entre notre état d'esprit ordinaire et un état dans lequel on est prêt pour la pratique de la méditation.

Le chant des Refuges et préceptes.

Le chant des Refuges et préceptes a souvent les mêmes buts, mais il est par ailleurs une part intégrale de la puja en sept parties. Ce n'est pas un chant de dévotion dans le même sens que le Ti Ratana Vandana, mais c'est indéniablement la plus importante et la plus universellement utilisée de toutes les récitations bouddhiques : c'est la récitation de l'Aller en Refuge, d'un engagement personnel de tout cœur envers la réalisation de l'Éveil, et de l'engagement à pratiquer les modes de comportements positifs et favorables qui forment la première étape de cette voie.

Les pujas.

Les deux autres pratiques de dévotion sont appelées des pujas, puja étant un terme générique pour les pratiques de dévotion, terme qui a aussi une signification plus spécifique qui est considérée plus loin. Les chants et récitations en pâli que nous avons vus jusqu'ici proviennent de la tradition Théravada et, bien que la pratique de la puja prenne son  origine dans cette tradition sous une forme assez simple, elle a pris sa forme caractéristique plus développée (la puja en sept parties) dans le contexte du Mahâyâna où, en partie pour la distinguer de son précurseur du Théravada, elle a été appelée anuttara-puja, ou vénération suprême.

La puja en trois parties utilisée dans la Communauté bouddhiste Triratna est cependant plus une puja dans le sens théravadin qu'une version simplifiée de la puja en sept parties. Bien que les vers en aient été écrits par Sangharakshita, ils suivent de plus près le modèle de diverses récitations en pâli, qui consistent à en une révérence envers les Trois joyaux, et en l'offrande de fleurs, de bougies et d'encens au Bouddha.

Présentation de la puja en sept parties.

La puja en sept parties est la pratique de dévotion la plus importante dans la Communauté bouddhiste Triratna, et son contexte du Mahâyâna exige un  peu plus d'explications que les autres pratiques. Le contexte de la puja en sept parties est l'idéal du bodhisattva, l'idéal de la réalisation de l'Éveil suprême pour le bien de tous les êtres sensibles.  L'objectif le plus important de toute personne aspirant à cet idéal est  d'engendrer le bodhicitta, la « volonté d'Éveil », la graine de la vue pénétrante et de la compassion qui, ultimement, se développera pour devenir le fruit de l'Éveil suprême. Avant l'apparition du bodhicitta, on n'est pas un bodhisattva, un être déterminé à atteindre l'Éveil, mais  on peut néanmoins aspirer à l'idéal du bodhisattva, et travailler à l'atteindre.

L'anuttara-puja a donc été développée, dans le Mahayana, comme principale méthode de préparation et de pratique pour engendrer le  bodhicitta. Dans sa forme, en tant que puja en sept parties, elle consiste en l'évocation d'une succession, ou en fait d'une progression,  d'émotions spirituelles, chacune d'entre elles menant naturellement à la suivante, en une séquence cumulative qui crée un fort élan spirituel, lequel, après une pratique prolongée et intense, donnera naissance aux conditions conduisant à l'apparition du bodhicitta. Ceci ne veut cependant pas dire que la pratique de l'anuttara-puja ne prenne place que durant la récitation de la puja en sept parties dans la salle de méditation. Si l'on aspire sérieusement à l'idéal du bodhisattva, on essaiera de travailler à cultiver à tout moment les attitudes et sentiments exprimés sous une forme concentrée et poétique dans la puja :  la puja est une recette pour l'action.

Que sont donc les actions impliquées dans la puja en sept parties, les émotions spirituelles qu'en la faisant on essaie de développer ? Les sept parties de la puja sont 1°) Vénération, 2°) Salutation, 3°) Aller en refuge, 4°) Confession des fautes, 5°) Réjouissance du mérite, 6°) Supplication, et 7°) Transfert du mérite et renoncement de soi. Dans la version de la puja utilisée dans la Communauté bouddhiste Triratna, les versets qui sont récités dans chacune de ces sections proviennent du Bodhicaryavatara (La marche vers l'Éveil) de Shantideva, un texte de l'Inde médiévale qui détaille la totalité de la voie du bodhisattva vers l'Éveil, et qui inclut certaines  des plus belles expressions de l'anuttara-puja qui soient. Entre ces versets, l'on trouve dans la puja d'autres vers provenant de diverses autres sources, et qui sont décrits ci-dessous. Considérons tout à tour chacune des sections.

Vénération.

Premièrement, la vénération, ce qui est la signification spécifique du mot puja. Ici, le disciple reconnaît la valeur du Bouddha en lui faisant de belles offrandes, tant littéralement qu'en imagination. L'émotion est une sorte de réjouissance spirituelle, comme si l'on avait pour la première fois rencontré ou reconnu la beauté spirituelle du Bouddha, et que l'on avait été avivé, élevé et éveillé par cette beauté, de telle sorte que notre réponse est simplement de vouloir offrir des choses de beauté à cet bel être inspirant le respect.    

Cette section est donc un moyen à la fois de développer et d'exprimer la shraddha, l'émotion spirituelle sur laquelle est basé tout  ce qui suit. Quand elle apparaît, cette émotion est si forte que l'on est presque emporté, allant jusqu'à offrir en imagination des choses mythiques et étranges telles que des fleurs de mandarava, qui sont censées être aussi  grandes que des roues de chariot et descendre en pluie des cieux ; après tout, nous sommes ici dans le domaine de la poésie et de l'imagination, et il n'y a  aucun besoin de restreindre notre exubérance en n'offrant que des choses qui sont vraiment à notre disposition. À ce point de la puja, cependant, ayant récité les vers et fait des offrandes en imagination, il y a habituellement une possibilité pour chacun de faire ses propres offrandes de fleurs, de bougies, d'encens ou de toutes autres choses. Ceci prend place durant le chant du mantra OM MANI PADME HUM, le mantra d'Avalokiteshvara, le Bodhisattva de la Compassion.

Salutation.

Notre réponse initiale face au Bouddha, à l'idéal auquel nous aspirons, est donc simplement d'ouvrir notre cœur et de tout donner. Mais ayant fait cela, après avoir peut-être laissé notre excitation se calmer un peu, nous commençons à reconnaître le point où nous nous trouvons en relation avec cet idéal, et à réaliser qu'il y a en fait un gouffre entre nous et le Bouddha, entre nous-même, là où nous en sommes maintenant, et l'Éveil. Notre réponse à cette réalisation est la Salutation - nous nous  inclinons par respect envers le Bouddha et envers tous les êtres Éveillés ou plus avancés sur la voie de l'Éveil. Ce faisant, nous générons ainsi une attitude saine de vénération envers tous ceux qui sont dignes de vénération, attitude qui va à l'encontre de notre tendance à laisser notre ego s'enfler avec des réalisations « spirituelles » imaginaires. Il est très important, dans la vie spirituelle, de maintenir cette attitude de salutation, et c'est un fait  qui est attesté par la phrase de Shantideva :

Autant de fois qu'il y a d'atomes
Dans les mille millions de mondes
Autant de fois je fais de respectueuses salutations.

Ceci suggère que notre vie devrait être rien de moins qu'une salutation continue.

Aller en refuge.

La troisième partie de la puja est Aller en refuge. Dans la seconde partie, nous avons reconnu le gouffre qui nous sépare de la bouddhéité, et dans cette partie nous exprimons notre détermination très  importante à nous engager à le traverser, à réaliser nous-même la bouddhéité. Aller en refuge dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha provient de la réalisation du fait qu'il n'y a pas d'autre refuge, que quelle que soit la chose sur laquelle nous voulons nous reposer ou derrière laquelle nous voulons nous cacher, dans l'univers conditionné, cette chose, ultimement, nous laissera tomber, étant impermanente, non-substantielle et insatisfaisante. Nous ne pouvons nous appuyer que sur les Trois joyaux, qui dans leur sens ultime sont hors du conditionné. Aller en refuge dans les Trois joyaux est donc, pour parler  de façon réaliste, la seule route qui nous est ouverte. Dans la langue poétique de Shantideva, nous allons en Refuge

Dans les puissants protecteurs,
Qui sont là pour garder l'univers,

- c'est-à-dire dans tous les êtres Éveillés qui œuvrent à protéger l'univers dans le sens de laisser libre la route vers l'Éveil, et de montrer aux êtres non-éveillés le chemin par lequel ils peuvent eux-mêmes réaliser l'Éveil.

Confession des fautes.

Nous étant engagé dans cet idéal, nous agissons immédiatement envers sa réalisation pratique. Tout d'abord, avant de continuer avec la  partie de la puja provenant du texte de Shantideva, nous chantons les Refuges et les préceptes en pâli, nous lançant ainsi dans un entraînement explicite et positif : nous abstenir de faire du mal, de prendre ce qui n'est pas donné, de méconduite sexuelle, de parole mensongère, et d'absorber des produits enivrants ou intoxicants. Mais à ce point nous réalisons qu'il y a toujours toutes sortes de choses qui nous retiennent, telles que des mauvaises habitudes, des actions malhabiles ou défavorables - en bref, l'avidité, la haine et l'illusion. Nous continuons donc avec la Confession des fautes. Dans cette partie nous reconnaissons simplement nos fautes ;  nous admettons que nous avons un côté « sombre », et que nous sommes conscient de nos imperfections. Si nous pouvons admettre cela, si nous voyons qu'une action que nous avons faite a eu ou a des mauvaises conséquences,  alors, très naturellement, nous ressentons du remords et de la honte pour ce que nous avons fait, ainsi qu'un fort désir de ne plus le refaire à l'avenir. Ces sentiments forment l'essence de la confession bouddhique ; il n'y a pas d'élément de culpabilité, pas de misérabilisme morbide, on ne se frappe pas la poitrine. Idéalement, quand nous reconnaissons nos fautes, nous devrions les confesser à nos amis spirituels. De cette façon nous nous en défaisons, nous les laissons de côté, et elles ne se figent pas en sentiments de culpabilité. Dans le contexte de la puja, nous confessons nos fautes aux bouddhas comme représentant nos amis spirituels par excellence. Nous n'attendons cependant pas des bouddhas qu'ils nous pardonnent. Ceci est une distinction très importante entre la confession dans la tradition bouddhique et la confession dans la tradition chrétienne. Dans le bouddhisme, se confesser veut dire prendre la responsabilité de ses propres actions, ne pas s'attendre à échapper aux conséquences de ce que l'on a fait, et être de tout cœur déterminé à changer notre comportement futur.

Réjouissance du mérite.

L'acte de confesser le mal que nous avons fait et de le laisser de côté résulte en une sensation de liberté et de légèreté qui mène naturellement à la Réjouissance du mérite. Tout comme il n'est possible de ressentir   de la metta pour les autres que sur la base de la metta pour nous-même, il est beaucoup plus facile de se réjouir du mérite des autres quand nous pouvons nous réjouir du nôtre ; en fait un sentiment plus extériorisé est quasiment inévitable. En fait, à partir de ce moment, la puja prend des tonalités de plus en plus ouvertes et altruistes. Dans la partie de Réjouissance du mérite, nous nous réjouissons des actions positives et favorables faites par tous les êtres, qui les font avancer sur la voie de l'Éveil - toutes leurs actions de générosité, de noblesse ou de sacrifice de soi, aussi petites soient-elles. Ayant fait ceci nous nous réjouissons des êtres éveillés, des bouddhas et des bodhisattvas ; nous ne nous réjouissons pas seulement de leurs nobles actions, nous nous réjouissons de leur nature même, car nous percevons qu'ils sont intrinsèquement merveilleux. En un sens, la partie de Réjouissance du mérite est analogue à la partie de Vénération, si l'on excepte le fait que la qualité des émotions spirituelles impliquées se trouve à un niveau beaucoup plus élevé, ayant été affinée par l'exécution des parties précédentes de la puja.

Supplication.

Dans la réjouissance du mérite, nous devrions donc être dans un état très joyeux, presque radieux, dans lequel nous sommes très conscient du mérite des autres, en particulier du mérite de bouddhas et des bodhisattvas. Et être conscient de leur mérite nous mène naturellement à nous réjouir d'eux. Étant dans cet état hautement positif de réjouissance dans les bouddhas et bodhisattvas, nous devenons aussi bien plus réceptif à leurs  enseignements, et c'est ce sentiment d'ouverture et de réceptivité qui est développé dans la partie suivante de la puja, la Supplication.

Là, nous demandons et supplions les bouddhas de « faire briller la lampe du Dharma », pour le bien-être de tous les êtres. Pourquoi devrait-il être nécessaire de demander aux bouddhas d'enseigner ? La question peut être posée, car en un sens on peut s'attendre à ce qu'ils enseignent, qu'on leur ait demandé ou non. Mais ceci a plus à voir avec nous qu'avec les bouddhas. Ne pas réussir à demander l'enseignement et à  montrer notre ouverture et notre réceptivité pourrait indiquer que nous ne sommes peut-être pas aussi réceptif que nous le pensions. Cela pourrait même suggérer que nous n'avons pas confiance dans le fait que les bouddhas vont vraiment nous enseigner.

Cependant, quand nous demandons aux bouddhas d'enseigner, nous ne  considérons pas seulement notre propre avantage mais, en accord avec l'esprit altruiste de l'idéal du bodhisattva, nous demandons aux bouddhas de toutes les directions - c'est-à-dire à tous les êtres Éveillés de l'univers  - d'enseigner le Dharma à tous les êtres vivants, et de laisser libre la voie vers l'Éveil.

Ayant atteint cet état de réceptivité à l'enseignement, et l'ayant exprimé de tout cœur, il s'ensuit la récitation du Soûtra du cœur, un texte fondamental du Mahâyâna qui résume l'essence des enseignements que nous avons juste demandés. Pour la même raison, il y a aussi habituellement à ce moment de la puja une lecture d'un extrait des écritures bouddhistes.

Transfert du mérite et renoncement de soi.

À ce point de la puja, si nous l'avons faite avec de réels sentiments, nous devrions faire vraiment l'expérience d'émotions très fortes, raffinées et positives, et notre sensibilité et notre attention devraient être beaucoup plus grandes que d'habitude : nous sommes prêts pour la dernière  partie de la puja, son point culminant : le Transfert du mérite et renoncement de soi. Nous y générons un sentiment d'altruisme si intense, si total même, que nous abandonnons littéralement notre ego individuel et  égoïste. Nous essayons de développer le sentiment que, bien que nous ayons beaucoup gagné du fait des actions bénéfiques que nous avons faites durant cette puja - et lorsque nous emportons avec nous ces actes dans notre vie quotidienne - nous ne voulons conserver aucun de ces bénéfices pour nous-même. Après tout, comment pouvons-nous espérer atteindre l'Éveil si  notre ego « accumule » simplement des bonnes actions qu'il considère comme  lui appartenant ? Être trop conscient de notre bonté (même si elle est véritable) peut nous retenir, et nous empêcher d'atteindre des réalisations spirituelles plus élevées. Nous « donnons » donc notre bonté, notre « mérite », en souhaitant qu'il puisse rejaillir vers la réalisation spirituelle de tous les êtres vivants : le bien-être des autres, voilà notre seul souci, il ne nous reste absolument aucun intérêt égoïste, même envers nos bonnes actions. Nous finissons en réfléchissant au fait que tous les éléments dont est composé l'univers (la terre, l'eau, le feu et l'air) sont disponibles pour que chacun les utilise sans restriction ni limitation, et nous exprimons l'aspiration de nous mettre nous-même à la disposition de tous les êtres, exactement de la  même manière : nous sommes à leur service, ils peuvent nous apprécier.

Ainsi, donc, nous nous préparons complètement à l'apparition du bodhicitta. En fait, si nous avons vraiment fait le Transfert du mérite et renoncement de soi, le bodhicitta sera déjà apparu, car l'attitude et le sentiment que nous aurons alors développé sont ceux d'un bodhisattva. Dire, même, que nous avons développé le bodhicitta n'est plus juste, car il ne s'agit plus de nous-même dans le vieux sens égoïste et limité. Nous sommes devenu le bodhicitta en action, œuvrant pour l'Éveil de tous les êtres.

La puja en sept parties nous prépare pour cette grande expérience  spirituelle, pour cette révolution et cette réorientation totales de tout notre être. Il va sans dire que le bodhicitta, que l'état de bodhisattva, ne peut être généré d'un coup ou sans un travail très grand, sans un grand sacrifice de soi. La puja, comme la méditation, est une pratique à laquelle il faut s'appliquer de tout cœur. Pour commencer, il peut sembler que très peu se passe : parfois, nous répétons les versets sans rien ressentir, ou très peu. Et cependant, peu à peu, nous apprenons plus quant à l'état  de bodhisattva, non pas de l'extérieur, comme ce serait par exemple le cas en lisant un livre, mais en essayant de faire l'expérience de ce qui transforme un être humain en bodhisattva. Progressivement, cela deviendra de plus en plus clair pour nous, et cela mûrira de plus en plus en nous ; de plus en plus, la puja deviendra l'expression naturelle de ce que nous devenons.

La puja ne se termine cependant pas avec le Transfert du mérite et renoncement de soi. Nous ayant mené aussi loin que peuvent le faire les images poétiques, voire aussi loin que peut le faire la dévotion, nous ayant mené jusqu'au seuil du transcendant, elle nous laisse avec un aperçu de la Réalité elle-même, la Réalité telle qu'incarnée dans les bouddhas et bodhisattvas dont on récite les mantras pour conclure la puja. Ces symboles sonores nous permettent de faire directement et de façon non conceptuelle l'expérience des qualités de l'Éveil. Peut-être ceci nous mène-t-il presque au-delà des mots.

Puja and the Transformation of the Heart, © Tejananda, 1987, traduction © Ujumani, 2009.

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