Sangharakshita, fondateur de la Communauté bouddhiste Triratna.

Le voyage en Orient.

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Sangharakshita et Buddharakshita à Kusinara
Sangharakshita et Buddharakshita à Kusinara, 1949
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Á cette époque, il avait été enrôlé dans l'armée, dans le corps des transmissions. En août 1944, il fut envoyé avec son unité à Delhi, en Inde. Il pouvait à peine croire sa bonne fortune, parce qu'il était arrivé au pays du Bouddha, pays qu'il n'avait jamais espéré voir. Cependant, comme il y avait là très peu de bouddhisme à rencontrer, il s'arrangea pour être muté à Colombo, à Sri Lanka. Bien qu'étant cette fois-ci dans un « pays bouddhiste », il n'eut aucun véritable contact avec des bouddhistes. C'est chez les swamis hindous de la mission de Ramakrishna qu'il trouva une véritable compagnie spirituelle. En fait, fortement encouragé par les swamis, il se découvrit un urgent désir de renoncer au monde et de devenir moine. Il fût ensuite muté à Calcutta, où il continua à être en contact avec la mission, sans jamais perdre sa fidélité de base au bouddhisme. En 1946, une dernière mutation l'emmena à Singapour, où il entra en contact avec des bouddhistes et commença la pratique de la méditation. Lorsqu'il entendit dire que son unité allait être démobilisée en Angleterre, il rendit son équipement et quitta le camp, devenant ainsi un déserteur.

De retour à Calcutta il travailla brièvement avec la mission de Ramakrishna, puis avec la Maha Bodhi Society, la principale organisation bouddhiste en Inde. Ces deux expériences le convainquirent de la corruption des organisations religieuses et renforcèrent sa détermination à renoncer au monde. En août 1947, à l'âge de vingt-deux ans, il prit une des mesures les plus importantes de sa vie. Avec un jeune ami indien, il brûla ses papiers d'identité, donna tout ce qu'il avait et, habillé d'une robe safran, il « alla de l'avant », devenant un ascète errant, comme le Bouddha l'avait fait avant lui. Il changea même de nom, prenant celui d'Anagarika Dharmapriya. Les deux amis passèrent deux ans principalement en Inde du Sud. Par moments ils s'arrêtaient quelque part, pour méditer et étudier. À d'autres moments ils erraient, vivant d'aumônes pour leur nourriture et leur abri. Ils visitèrent également les ashrams de divers maîtres hindous, parmi lesquels Anandamayi, Swami Ramdas, et Ramana Maharshi. Alors qu'il était dans une grotte près de l'ashram de Ramana Maharshi, celui qui n'était pas encore Sangharakshita eut une vision marquante du Bouddha Amitabha ; il considéra cela comme une confirmation qu'il était maintenant temps pour lui de chercher l'ordination en tant que moine bouddhiste.

Il ne lui fut cependant pas facile d'être ordonné. La première demande que firent les deux amis fut rejetée sans cérémonie par les moines du monastère de la Maha Bodhi Society à Sarnath. Les deux amis approchèrent ensuite le bhikkhu (moine entièrement ordonné) birman, U Chandramani, qui à cette époque était le moine le plus ancien en Inde, et purent, avec une certaine difficulté, le persuader de leur donner l'ordination de samanera, ou novice. C'est à cette cérémonie, en mai 1949, qu'il reçut le nom de Sangharakshita, « Protecteur de (ou protégé par) la communauté spirituelle ». Son ordination complète en tant que bhikkhu eut lieu à Sarnath en novembre de l'année suivante, avec comme upadhyaya ou précepteur un autre bhikkhu birman, U Kawinda, et comme acarya ou maître le Vénérable Jagdish Kashyap. Après leurs ordinations de samaneras, Sangharakshita et son ami, mendiant tout au long du chemin, se rendirent brièvement au Népal pour enseigner aux disciples d'U Chandramani. Sangharakshita passa ensuite sept mois avec le Vénérable Jagdish Kashyap, un des plus importants moines bouddhistes indiens du vingtième siècle, pour étudier le pâli, l'Abhidhamma, et la logique. Cette période idyllique se termina quand il se rendit avec son professeur en pèlerinage dans les lieux bouddhiques de l'État de Bihar, puis en Himalaya. Là, dans la petite ville de Kalimpong, aux frontières de l'Inde, du Népal, du Bhoutan, du Sikkim et du Tibet, le Vénérable Kashyap l'invita à demeurer et à travailler pour le bien du bouddhisme. Sangharakshita voulant réaliser les souhaits de son maître, Kalimpong devint sa résidence principale et le resta pendant les quatorze ans qui suivirent.

Dès son arrivée à Kalimpong à l'âge de vingt-cinq ans, Sangharakshita a œuvré très activement pour la renaissance du bouddhisme dans les régions frontalières, où vivaient un grand nombre de personnes qui n'étaient bouddhistes que culturellement. Trouvant les groupes bouddhistes existants trop sectaires, il commença une nouvelle organisation, l'Association Bouddhiste des Jeunes Hommes. L'association offrait non seulement un enseignement et une pratique du bouddhisme, mais également des activités culturelles et sociales, y compris des cours pour aider les jeunes hommes à passer leurs examens importants. Elle commença rapidement à jouer un rôle apprécié dans la vie de la ville, étant estimée tant par les jeunes que les moins jeunes, et tant par les bouddhistes que les non bouddhistes. Trois ans plus tard, elle s'affilia à la Maha Bodhi Society, ce qui lui permit d'obtenir de petites subventions. Sangharakshita fit cependant toujours attention à s'assurer de ne perdre aucune autonomie.

Pendant ses sept premières années à Kalimpong, Sangharakshita vécut et travailla dans des logements loués ou prêtés. En dépit de la petite subvention de la Maha Bodhi Society pour les activités de l'association, il n'avait lui-même aucun revenu régulier. Il vivait entièrement des donations de sympathisants, et de petits revenus liés d'une part à des articles et des poèmes écrits pour divers journaux, et d'autre part aux leçons d'anglais qu'il donnait - bien qu'il ait donné nombre d'entre elles gratuitement. Il y eut des périodes où il n'avait absolument pas d'argent - bien qu'il ait dit que ceci ne l'avait jamais inquiété. En 1957, grâce à la générosité du roi du Sikkim et d'un ami bouddhiste anglais, il put acheter son propre vihara.

Quelques mois après son arrivée à Kalimpong, il commença la publication de Stepping Stones, une revue bimestrielle de bouddhisme himalayen. Celle-ci attira rapidement une liste impressionnante de contributeurs, parmi lesquels Lama Govinda, Dr Herbert Guenther, Dr Edward Conze, et le Prince Pierre de Grèce. Bien que la revue ait dû cesser de paraître par manque de fonds, elle réussit, durant les deux années de son existence, à toucher un large lectorat, faisant connaître le jeune bhikkhu anglais à nombre de personnes du monde bouddhiste d'expression anglaise, et en particulier à quelques maîtres et savants importants.

Au cours des années qu'il passa à Kalimpong, Sangharakshita parvint à unir la communauté bouddhiste d'une manière tout à fait sans précédent. Il organisa la célébration commune, par tous les groupes bouddhistes locaux, de plusieurs fêtes bouddhiques importantes. Il organisa même une commémoration commune, par tous les bouddhistes tibétains de la ville, de l'anniversaire de Tsongkapa - une prouesse qui lui valut les félicitations personnelles du Dalai Lama.

Ses activités ne se limitèrent pas à la ville : il donna des conférences et tint des réunions dans toute la région. Lors de ses visites régulières au Sikkim, à la demande personnelle de la famille royale et du représentant du gouvernement indien, il fit ce qu'il put pour redonner de la vitalité à un bouddhisme en déclin dans le royaume, élaborant un cycle d'études pour les moines du monastère royal. Sa place de « leader » des bouddhistes de la région devint telle que lorsque circulèrent des rumeurs d'invasion des régions frontalières par les Chinois, le gouvernement indien lui demanda spécifiquement de rester à Kalimpong pour l'aider à décourager la fuite en masse des habitants bouddhistes.

Son association avec la Maha Bodhi Society commença en 1952 quand il fut invité par son secrétaire général, Devapriya Valisinha, à écrire une biographie du grand fondateur de la société, Anagarika Dharmapala. En faisant ce travail, il en vint à avoir une grande admiration pour Dharmapala, et une grande sympathie pour Valisinha, son successeur dévoué bien qu'un peu moins capable. Il porta cependant de sérieuses critiques quant à l'organisation de la société : son comité exécutif était dominé par des hindous de caste, l'un d'eux étant ouvertement hostile au bouddhisme. Sangharakshita fit donc attention à ne jamais se compromettre : il ne devint pas membre de la société. Il fut néanmoins pendant de nombreuses années le principal rédacteur de son magazine, The Maha Bodhi, et il donna souvent des conférences dans les locaux de la société, à Calcutta et ailleurs.

'Sangharakshita, a New Voice in the Buddhist Tradition' © Subhuti, Windhorse Publications 1994, traduction © C. Richard 2007.

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  1. Le bouddhisme moderne est en crise.
  2. Un autodidacte.
  3. Le voyage en Orient.
  4. L'aide aux opprimés.
  5. Le voyage de retour.