Une méthode de développement personnel.

Par Urgyen Sangharakshita.

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Immédiatement, une question se pose, que vous vous êtes peut-être déjà posée : « Qu'entend-on par développement personnel, et pourquoi en aurait-on besoin ? Et qu'est-ce exactement que le développement ? Qu'entend-on par là ? Que veut vraiment dire le verbe se développer ? »

D'après le dictionnaire, se développer signifie s'ouvrir, de façon graduelle, tout comme une fleur s'ouvre, pétale après pétale, à partir du bouton. Se développer signifie évoluer, traverser une série d'états ou de stades dans lesquels chaque état est une préface à l'état suivant, s'étendre, croître, changer progressivement d'un état d'être vers un état d'être plus élevé. Voilà ce que signifient « développer » et « développement ». Le développement est la loi de la vie. En biologie, par exemple, on apprend que l'organisme unicellulaire se développe et devient l'organisme multicellulaire, l'invertébré devient le vertébré. Plus spécifiquement, on voit que la plante devient le poisson, le poisson devient le mammifère et, finalement, le singe qui ressemble à l'homme devient l'homme qui ressemble au singe : Homo pithecanthropus devient Homo sapiens. Ici, le développement est simplement biologique, et ce qui se développe est simplement la structure, l'organisation physique. Ce n'est que dans les étapes de développement ultérieures que l'on trouve une conscience de soi-même et un développement psychologique distinct du développement biologique.

L'immense développement que je viens de présenter très brièvement - de l'amibe jusqu'à l'homme - représente ce que j'appelle « l'évolution inférieure ». Cela représente, si l'on veut, la distance parcourue jusqu'à présent par la vie. La vie a parcouru une très, très longue distance, son histoire est fascinante. Mais son développement et son histoire ne s'arrêtent pas ici, à l'étape de l'homme actuel : ils continuent. Ou plutôt ce développement peut continuer : il n'est pas obligé de le faire, il ne le fera pas forcément, mais il le peut. L'« évolution supérieure » peut succéder à l'évolution inférieure, et l'être humain actuel, que nous connaissons, que nous sommes, peut devenir l'être humain tel qu'il peut être. C'est le développement allant de ce que l'on peut appeler l'homme naturel vers l'homme spirituel, de l'homme non éveillé à l'homme Éveillé - le Bouddha - où l'homme devient, au sens profondément métaphysique, ce qu'il a toujours été.

L'évolution supérieure fait donc suite à l'évolution inférieure, mais n'en est pas simplement une continuation, car il y a un certain nombre de différences importantes entre elles. Premièrement, l'évolution supérieure constitue un développement non pas biologique, mais psychologique, voire spirituel. C'est le développement non pas du corps physique, mais de l'esprit. Esprit ne veut pas simplement dire ici raison, faculté rationnelle ; esprit veut dire intelligence, émotions supérieures et plus raffinées, imagination créative, intuition spirituelle. C'est tout cela qui croît, qui se développe, et dont la croissance et le développement constituent l'évolution supérieure. Cette évolution, qui est la véritable évolution humaine, est donc essentiellement faite d'un développement de la conscience.

Ce mot, conscience, est un mot très abstrait, mais il ne faut pas croire, lorsque l'on parle du développement de la conscience, qu'il s'agit du développement d'une conscience abstraite, générale. Il s'agit au contraire du développement de la conscience individuelle, du développement de notre propre conscience, de la mienne, de la vôtre. Le développement humain est donc un développement personnel : mon développement, votre développement, notre développement - « notre » non pas de façon collective, mais au sens du développement de nous-mêmes en tant que personnes autonomes, ou que personnes autonomes potentielles, ensemble. On ne peut plus compter, pour avancer, sur l'élan de la vague du processus général de l'évolution. Avec l'apparition de l'homme, du moins de l'homme épanoui, est venue la conscience de soi-même, la conscience réflexive, et l'homme ne peut - nous ne pouvons - dorénavant évoluer qu'en tant que personnes autonomes. Cela signifie que nous devons individuellement vouloir évoluer, et aussi quei nous devons décider de le faire et d'agir en conséquence. Voici les paroles d'un des personnages de G. Lowes Dickenson, qui était autrefois très connu, dans le dialogue intitulé Un symposium moderne :

« L'homme a été créé, mais à partir de ce jour il doit se créer lui-même. C'est dans ce but que la Nature l'a fait sortir de la vase primordiale. Elle lui a donné des membres, un cerveau et un rudiment d'esprit. Maintenant, c'est à lui de faire honneur ou honte à sa forme splendide. Puisse-t-il ne plus demander l'aide à la Nature, car sa volonté a été de créer ce qui peut soi-même se créer. La défaite de l'homme serait la défaite de la Nature : le métal retournerait au chaudron pour que recommence à nouveau ce grand parcours. Sa victoire serait en revanche pour lui seul. Sa destinée est entre ses propres mains. »

Ces mots, « Sa destinée est entre ses propres mains », ont un poids considérable. Ils soulignent clairement que nous avons une très grande responsabilité, que nous sommes responsables de notre vie, de notre croissance, de notre bonheur, ce qui peut parfois sembler très lourd, trop lourd même. Alors, quand cette responsabilité devient si lourde, trop lourde même, que faisons-nous parfois, ou sommes-nous parfois tentés de faire ? De la donner à quelqu'un d'autre. Nous nous imaginons comme il serait agréable de donner à quelqu'un d'autre la responsabilité de nous-même - à Dieu peut-être, ou à un gourou à la mode, voire à un chef politique ou pseudo-politique, dans l'espoir qu'il arrangera tout cela pour nous, en nous dérangeant le moins possible. Et, bien sûr, nous essayons parfois d'oublier toute cette question encombrante du développement personnel, nous faisons parfois même de notre mieux pour l'oublier. Nous nous disons : « A quoi bon tout cela, tous ces efforts, toutes ces méthodes, toutes ces pratiques ? Pourquoi ne pas se reposer et profiter de la vie comme un être humain ordinaire ? » Surtout quand c'est l'été, qu'il fait chaud, que nous habitons au bord de la mer et que la plage nous appelle, que nos amis veulent que nous sortions. Nous nous disons : « A quoi bon ? Pourquoi ne pas être une personne ordinaire et oublier toute cette question de l'évolution supérieure et du développement personnel ? »

Heureusement (ou malheureusement), une fois que l'on a atteint un certain point, que la conscience a vraiment commencé à émerger, une fois que l'on a vraiment commencé à réfléchir, à ressentir, à imaginer, on ne peut pas simplement tout mettre de côté, oublier cette question, ce problème, ce développement. J'ai dit que le développement est la loi de la vie, et cela s'applique à l'évolution supérieure autant qu'à l'évolution inférieure. En tant qu'être vivants - et nous sommes vivants, j'espère ! - nous voulons croître, nous développer, car ce que toute chose vivante, ce que tout être vivant veut par-dessus tout, c'est réaliser la loi de son être. Et la loi de notre être, tout comme celle de chaque chose vivante, est que nous nous développions. Nous voulons donc devenir ce que nous sommes et réaliser cette loi de notre être, nous développer, réaliser notre potentiel le plus profond. Nous voulons devenir ce que nous sommes, et réaliser dans le temps ce que nous sommes dans l'éternité. Et si, pour n'importe quelle raison, de n'importe quelle façon, nous sommes empêchés de croître et de nous développer, soit par d'autres soit par nous-mêmes, alors inévitablement nous souffrons car nous allons contre la loi de notre être qui est de se développer, de croître, comme tout être vivant. Voici le genre de situation dans laquelle se retrouvent beaucoup de personnes : elles veulent grandir mais elles trouvent cela très difficile. Toutes sortes de facteurs, externes et internes, y font obstacle, et bien souvent nous ne pouvons pas avancer dans notre développement. Nous ne sommes pas satisfaits des progrès que nous avons faits, mais nous ne pouvons pas tout oublier et s'en aller ; nous sommes pris dans l'inconfort. Voulant grandir, mais incapables de le faire.

Et c'est pour cette raison sans doute que nous sommes là, ce soir, non pas parce que nous sommes satisfaits de nous-mêmes, de ce que nous avons été toutes ces années, mais parce que nous ne sommes pas satisfaits de ce que nous sommes à présent. Nous ne voulons pas rester indéfiniment les mêmes ; ce serait d'ailleurs chose terrible si dans un an, dans cinq, dans dix ans, chacun de nous était le même qu'aujourd'hui, si, au moment de mourir, nous étions la même personne que nous avons été toute notre vie durant, sans changement, sans progrès, sans croissance, sans développement.

Nous voulons donc grandir, nous développer. Nous aimerions grandir, nous développer, mais nous ne savons pas toujours comment le faire. Cela ne semble pas très clair, nous ne savons pas comment nous y prendre. Alors, de quoi avons-nous besoin ? Nous avons besoin d'une méthode, d'une méthode de développement, et c'est la première chose qu'offre le bouddhisme, qu'offre le Bouddha, qu'offre l'AOBO à ceux qui le rencontrent : une méthode de développement personnel.

'A method of personal development' © Sangharakshita, Windhorse Publications 1976, traduction © Dhatvisvari 2003.

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  1. Une méthode de développement personnel.
  2. Une méthode : la méditation bouddhiste.
  3. Les dhyânas ou la concentration dans la méditation.
  4. La méditation comme Unification et Inspiration.
  5. La méditation comme Saturation et Radiation.
  6. La méditation du metta bhavana.
  7. Les émotions positives.
  8. Deux sortes de méditation bouddhiste.