À propos des rituels bouddhiques.

Développer les émotions positives.

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La liste des pratiques bouddhiques de rituel spirituel et de dévotion est longue : elle va de la simple offrande d'une fleur devant une image du Bouddha, avec un vers de dédicace, aux formes les plus complexes et colorées des pujas du Vajrayana, dans la tradition tibétaine, qui impliquent l'utilisation de nombreux objets rituels, d'offrandes particulières, de gestes, de récitations, de visualisations, etc., durant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Cependant, avant de regarder ce qui forme les pratiques, nous devons clarifier la distinction - même si elle n'est pas toujours absolument bien définie - entre dévotion, rituel, et cérémonie.

Dévotion, rituel et cérémonie.

Nous pouvons dire que toute pratique concernant le développement des émotions supérieures et spirituelles peut être considérée comme une pratique de dévotion. Le rituel, lui, a des connotations plus spécifiques, comme on peut le voir à la lecture de la définition qu'en donne le psychanalyste et sociologue Erich Fromm : « Une action partagée, exprimant des efforts communs, enracinée dans des valeurs communes. » Une chose importante ici est le fait que le rituel est une action partagée. C'est toujours une activité collective. Les pratiques de dévotion, elles, peuvent être faites à plusieurs, ou peuvent être faites individuellement. Comme il apparaît clairement, de la définition de Fromm, le rituel en tant que tel ne doit pas nécessairement avoir un contenu de dévotion, bien que dans un contexte bouddhique ce soit invariablement le cas et qu'il soit orienté vers le développement des émotions spirituelles. Les pratiques de dévotion utilisées dans la Communauté bouddhiste Triratna peuvent toutes être faites collectivement, en tant que rituels dans le sens complet du terme, ou bien elles peuvent être faites par une personne seule. Comme les pratiques remplissent la même fonction de base dans les deux cas, aucune distinction pratique n'est faite dans ce qui suit entre la dévotion individuelle et le rituel et la dévotion collectifs.

Une cérémonie est une forme spécifique de rituel. Dans un contexte bouddhique, elle implique généralement des éléments de dévotion, mais son trait distinctif est que ce n'est pas une pratique, et qu'elle ne peut être faite individuellement. La cérémonie de mitra et l'ordination publique sont des exemples de cérémonies utilisées dans la Communauté bouddhiste Triratna. Elles prennent toutes deux place dans le contexte d'une puja en sept parties, et impliquent des éléments de dévotion, tels que l'offrande de fleurs, de bougies et d'encens devant une représentation du Bouddha ; en fait la totalité de la cérémonie de mitra est faite de ces trois offrandes.

Comme l'indique la définition de Fromm, le rituel implique l'action : il n'y a pas d'élément de passivité dans le rituel bouddhique, pas d'actes qui sont fait « pour nous » par quelqu'un d'autre. Ceci distingue clairement les rituels bouddhiques de rituels trouvés dans des traditions religieuses où existe la fonction de prêtre et dans lesquelles seul le prêtre participe à tous les éléments du rite. Dans certaines formes de christianisme, par exemple, ceci va jusqu'à un point où l'assemblée est virtuellement exclue de toute participation active, à l'exception d'un « Amen » dit par moments, pour la forme.

Le rituel bouddhique implique tous les participants, et il les implique complètement, c'est-à-dire en actions du corps, de la parole et de l'esprit. L'esprit (qui inclut la faculté émotionnelle) est touché par la compréhension et les sentiments, la parole est impliquée dans la récitation, et le corps est impliqué dans des gestes rituels et symboliques, ainsi que dans l'utilisation ou l'appréciation de divers objets symboliques. Au cours d'une pratique donnée, disons une puja en sept parties, ces trois éléments seront naturellement unifiés en une seule expérience totale et enrichissante. Afin d'expliquer clairement les divers éléments du rituel bouddhique, il faut cependant les traiter séparément, et dans ce but ils se rangent dans deux catégories plus larges : les éléments liés aux actions du corps, et les éléments liés aux actions de la parole. Les actions de l'esprit sont si inextricablement liées à ces actions « externes » qu'elles n'ont pas besoin d'être énumérées séparément. Avec les « actions du corps », nous considérerons aussi les objets et gestes symboliques trouvés dans les rituels pratiqués dans la Communauté bouddhiste Triratna, et avec les « actions de la parole », les diverses récitations de dévotion qui sont communément utilisées.

Objets symboliques.

Quoiqu'il soit tout à fait possible (et pour certains cela a évidemment été le cas) de développer une attitude de dévotion et d'approfondir les émotions spirituelles sans avoir recours à aucun « accessoire » externe, l'utilisation d'objets symboliques dans les rituels est commune à toutes les écoles du bouddhisme. Ces objets rituels fournissent non seulement un contexte physique pour les pratiques de dévotion, mais aussi, idéalement, aident à évoquer visuellement la beauté spirituelle de l'Idéal, et à donner un sentiment d'élévation qui permet d'engendrer plus facilement les émotions spirituelles.

L'objet central de la dévotion, et de la plupart des autels bouddhiques, est bien sûr la représentation du Bouddha : une peinture, une image ou une statue représentant un être Éveillé, que ce soit Shakyamuni, le Bouddha historique, ou l'un parmi les centaines - les milliers en fait - de bouddhas et bodhisattvas « archétypaux » représentant ou, pour être plus précis, symbolisant différents aspects de l'esprit Éveillé. En termes de signification, ces différents objets devraient idéalement parler d'eux-mêmes, mais pour de nombreux Occidentaux, au début au moins, c'est un peu une pierre d'achoppement. Une des raisons pour cela est simplement culturelle : tandis qu'une image sereine et bien dessinée du Bouddha en méditation peut transmettre presque immédiatement sa signification à à peu près n'importe qui, il faut parfois un moment pour s'habituer à certaines des formes plus « ésotériques » telles qu'Avalokitesvara à mille bras ou les bouddhas courroucés du Vajrayana. Une fois, cependant, que l'on a une certaine compréhension du symbolisme impliqué par ces formes, la plupart des gens arrivent à les apprécier plus directement. L'autre obstacle est plus complexe et semble être lié à un sentiment que tout ceci implique une sorte d'idolâtrie - une sorte d'adoration de statuettes. Ce sentiment n'est pas toujours facile à dissiper, car il comporte une révulsion émotionnelle profonde souvent enracinée dans un conditionnement provenant de la petite enfance. La première étape est alors d'essayer de comprendre rationnellement le but des représentations du Bouddha et de tous les autres accessoires de la dévotion bouddhique : même si l'esprit de dévotion et la signification des symboles ne peuvent pas être compris par la seule faculté rationnelle, on peut au moins réussir à comprendre rationnellement que ces choses ne sont pas simplement irrationnelles, même si elles transcendent peut-être la rationalité.

Il peut être utile, alors, de voir les représentations du Bouddha comme nous représentant nous-même en potentialité. Il ne faut certainement pas les voir comme des représentations de Dieu, ou d'une sorte de dieu, à qui l'on ferait des offrandes de supplication ou autres. Et pourtant, bien sûr, on fait des offrandes aux représentations du Bouddha : si l'on excepte la ou les représentations des bouddhas et bodhisattvas, un autel bouddhique est uniquement fait d'offrandes. Comme nous le verrons quand nous discuterons la puja en sept parties, la pratique de faire des offrandes est un des moyens les plus efficaces de développer des émotions spirituelles.

Tout objet de valeur ou de beauté peut devenir une offrande au Bouddha ; en fait, il y a une pratique particulière qui consiste à lui offrir encore et encore une représentation symbolique de la totalité de l'univers, sous la forme d'un mandala. De nombreux bouddhistes aiment avoir leur propre autel, qu'ils peuvent décorer d'offrandes qui ont une valeur ou une signification qui leur est personnelle. La plupart des autels, cependant, en particulier dans les centres de la Communauté bouddhiste Triratna, contiennent les trois offrandes de base, déjà mentionnées : des fleurs, des bougies et de l'encens. Offrir ces trois offrandes particulières est une pratique qui remonte au temps du Bouddha, et chacun d'elles, outre le fait qu'elle est en elle-même un objet de beauté, donnant un plaisir des sens, a une signification symbolique que l'on se remémore lorsque l'on fait l'offrande. Belles aujourd'hui, les fleurs se fanent avec le temps qui passe, et symbolisent ainsi l'impermanence. La flamme d'une bougie allumée symbolise la « lumière » qui se lève sur l'esprit Éveillé. Le parfum envahissant de l'encens symbolise l'influence favorable et positive qui s'étend sans cesse à partir de ceux qui vivent la vie spirituelle.

Outre ces trois offrandes, de nombreux autels incluent aussi d'autres offrandes sous forme de sept petits bols, souvent emplis d'eau. Ils représentent les sept offrandes d'hospitalité traditionnelles, qui étaient faites à un invité d'honneur dans l'Inde ancienne. L'image ou la statue du Bouddha représentant sa présence en tant qu'invité d'honneur, ces sept offrandes lui sont donc faites. Ce sont de l'eau pour se laver, de l'eau pour boire, des fleurs, de l'encens, de la lumière, de l'eau parfumée, et de la nourriture. En certaines occasions, comme par exemple lors de pujas spéciales, ou lors de fêtes bouddhiques, ces offrandes sont faites réellement et non symboliquement, et souvent une huitième offrande est ajoutée : une fois que les sept offrandes ont été faites à l'invité d'honneur, de la musique lui est jouée si des musiciens sont disponibles. Dans une puja, de la musique peut être offerte, ou bien un instrument de musique est placé sur l'autel pour symboliser l'offrande.

Le but de l'autel est donc, en fait, d'agir en tant qu'« aide à la dévotion ». La représentation du Bouddha est un point de focalisation de tous les actes de dévotion et, si elle est elle-même un objet de beauté - comme ce devrait être le cas - elle aide le pratiquant à entrer plus directement en contact avec les qualités auxquelles il aspire. Puis, autour de la représentation du Bouddha, on crée un environnement esthétiquement beau. Il y a tout d'abord la structure de l'autel lui-même, qui peut être fait de bois finement poli ou recouvert de tissus colorés, puis toutes les offrandes : de beaux vases et des bougeoirs fins, des bougies colorées, des fleurs bien arrangées, de l'encens parfumé, et d'autres offrandes. Tout ceci se combine pour élever le cœur du pratiquant dès qu'il entre dans la salle de méditation, et l'inciter à faire de tout cœur ses propres offrandes.

Gestes symboliques.

Ceci nous amène au second aspect des « actions du corps » dans les rituels bouddhiques : les gestes symboliques. De ceux-ci il y a moins à dire, car bien qu'il y ait un certain nombre de systèmes de gestes symboliques (appelés mudras), en particulier dans la tradition du Vajrayana, les gestes utilisés dans les contextes de dévotion de la Communauté bouddhiste Triratna sont très simples. Ce sont des salutations-anjali, des salutations faites en joignant les mains devant la poitrine, et en s'inclinant ou en se prosternant devant l'autel. Ces deux gestes sont des actes de vénération, et les faire a une influence directe sur nos sentiments envers l'objet de la vénération, le Bouddha. Il est habituel qu'en entrant dans la salle de méditation, que ce soit pour méditer ou pour faire un acte de dévotion, chaque personne fasse une salutation-anjali et s'incline devant la représentation du Bouddha. Une fois que tout le monde est assemblé dans la pièce, la personne qui mène la méditation ou la puja conduit la suite de la salutation :

Namo Buddhaya
Namo Dharmaya
Namo Sanghaya
Namo Nama
OM AH HUM

que tout le monde répète après elle. Après cela, tout le monde s'incline devant l'autel. La signification de cette salutation sanskrite est : « Je salue le Bouddha, son enseignement (le Dharma) et la communauté spirituelle (la Sangha), avec le corps, la parole et l'esprit. » Les trois syllabes mantriques, OM, AH et HUM symbolisent respectivement le corps, la parole et l'esprit.

La salutation-anjali est faite au début de toute pratique de dévotion. Ce geste a en fait une double signification : c'est une marque de respect envers le Bouddha « extérieur », ainsi qu'une remémoration du fait que le potentiel de l'Éveil est en nous. Cette seconde signification est symbolisée par la nature du geste lui-même. Il est fait les paumes jointes, non pas fortement serrées l'une contre l'autre, mais se touchant seulement au bout des doigts, comme si l'on y tenait avec douceur un précieux joyau - le joyau dans le lotus, ce que signifie aussi le plus connu de tous les mantras bouddhiques : OM MANI PADME HUM. Tandis que s'ouvre le lotus de notre cœur, le joyau impérissable de notre propre Éveil se révèle.

La salutation, la révérence ou la prosternation peuvent être faites à tout moment où l'on se sent enclin à le faire, mais plus particulièrement lorsque l'on entre ou l'on quitte une salle de méditation, et lorsque l'on fait des offrandes personnelles de fleurs, de bougies ou d'encens à l'autel. Souvent, lorsque les gens font des offrandes, ils font une oblation plus complète au Bouddha en s'agenouillant, en abaissant leur front jusqu'au sol, aux pieds du Bouddha pourrait-on dire. Une salutation plus complète encore est une prosternation complète, où l'on s'étend complètement sur le sol, devant l'autel. Ces pratiques ont un effet très fort en réduisant notre tendance à la fierté et à l'égotisme, ainsi qu'en augmentant notre réceptivité à l'Idéal. Quoique pour commencer de nombreuses personnes trouvent difficile, voire impossible, de s'appliquer à faire une salutation d'une de ces façons, il y en a peu qui ne réussissent finalement pas à commencer à apprécier ces pratiques si elles prennent le temps de les « ressentir ».

Ces « actions du corps » sont aussi importantes pour le développement des émotions spirituelles élevées que le sont toutes les autres facettes de la dévotion. Le but de la dévotion étant d'« alimenter » la transformation de tout notre être, les systèmes de dévotion bouddhiques assurent que toutes les parties de notre être reçoivent une attention égale, même s'il semble parfois que les mots sont prépondérants. Les « actions de la parole » donnent cependant à la dévotion bouddhique sa forme ainsi qu'une grande part de sa beauté.

Les pratiques de dévotion dans la Communauté bouddhiste Triratna.

Dans la Communauté bouddhiste Triratna, seules quatre ou cinq récitations sont utilisées régulièrement, mais, entre elles, elles recouvrent la totalité de la dévotion bouddhique. Les principales sont le Ti Ratana Vandana, les Refuges et préceptes, la puja en trois parties et la puja en sept parties, que nous allons considérer tour à tour, en regardant plus en détail la puja en sept parties.

Une chose qui apparaît immédiatement si l'on regarde ces textes est que le Ti Ratana Vandana et les Refuges et préceptes sont chantés en pâli, tandis que la puja en trois parties et celle en sept parties le sont en français. La raison pour laquelle les textes en pâli ne sont pas traduits est assez simple : ils sont récités sous cette forme et dans cette langue dans la quasi-totalité du monde bouddhiste, et cela forme un lien précieux avec de nombreuses autres écoles bouddhistes, et avec une tradition qui remonte jusqu'au temps du Bouddha. On peut avoir du mal à apprendre la signification du texte en pâli, mais ceci est très largement contrebalancé par la beauté du chant et la richesse de la langue originelle.

Le Ti Ratana Vandana.

Ti Ratana Vandana signifie « salutation aux Trois joyaux », le Bouddha, le Dharma (Dhamma en pâli) et la Sangha. Cette « salutation » consiste en une « contemplation » des qualités de chacun des Trois joyaux, l'un après l'autre, et une évocation de la shraddha faite en regardant et en appréciant la valeur des objets de la dévotion. Il y a dans chaque verset, suite à l'énumération des qualités, une expression de vénération du Joyau concerné, et d'engagement envers lui. Le Ti Ratana Vandana est généralement récité pendant la préparation à une période de méditation. Une fois que l'on a déjà fait des offrandes et salué l'autel, le Ti Ratana Vandana apporte une focalisation sur l'objectif de la méditation et un sentiment envers lui - la réalisation ultime de l'état incarné par les Trois joyaux. La récitation elle-même aide à faire la transition entre notre état d'esprit ordinaire et un état dans lequel on est prêt pour la pratique de la méditation.

Le chant des Refuges et préceptes.

Le chant des Refuges et préceptes a souvent les mêmes buts, mais il est par ailleurs une part intégrale de la puja en sept parties. Ce n'est pas un chant de dévotion dans le même sens que le Ti Ratana Vandana, mais c'est indéniablement la plus importante et la plus universellement utilisée de toutes les récitations bouddhiques : c'est la récitation de l'Aller en Refuge, d'un engagement personnel de tout cœur envers la réalisation de l'Éveil, et de l'engagement à pratiquer les modes de comportements positifs et favorables qui forment la première étape de cette voie.

Les pujas.

Les deux autres pratiques de dévotion sont appelées des pujas, puja étant un terme générique pour les pratiques de dévotion, terme qui a aussi une signification plus spécifique qui est considérée plus loin. Les chants et récitations en pâli que nous avons vus jusqu'ici proviennent de la tradition Théravada et, bien que la pratique de la puja prenne son origine dans cette tradition sous une forme assez simple, elle a pris sa forme caractéristique plus développée (la puja en sept parties) dans le contexte du Mahayana où, en partie pour la distinguer de son précurseur du Théravada, elle a été appelée anuttara-puja, ou vénération suprême.

La puja en trois parties utilisée dans la Communauté bouddhiste Triratna est cependant plus une puja dans le sens théravadin qu'une version simplifiée de la puja en sept parties. Bien que les vers en aient été écrits par Sangharakshita, ils suivent de plus près le modèle de diverses récitations en pâli, qui consistent à en une révérence envers les Trois joyaux, et en l'offrande de fleurs, de bougies et d'encens au Bouddha.

Puja and the Transformation of the Heart, © Tejananda, 1987,
traduction © Ujumani, 2009.

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  1. Présentation des rituels bouddhiques
  2. Pratiques de dévotion
  3. Développer les émotions positives
  4. Présentation de la puja en sept parties.