Un système de méditation.

La pratique de la méditation des six éléments.

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Mais supposez que vous ayez développé la prise de conscience, et supposez que vous ayez développé toutes ces émotions positives, supposez que vous soyez une personne pleine d'attention, très positive, très responsable, voire une personne autonome, au moins d'un point de vue psychologique ; quelle est alors l'étape suivante ? L'étape suivante est la mort ! L'individu heureux et en bonne santé que vous êtes - ou étiez - doit mourir. En d'autres termes, la distinction sujet-objet elle-même doit être transcendée ; l'individualité mondaine, aussi pure et parfaite soit-elle, doit être brisée. La pratique-clef de la méditation est ici la remémoration des six éléments (les six éléments sont la terre, l'eau, le feu, l'air, l'éther ou espace, et la conscience).

Il y a aussi d'autres pratiques qui nous aident à briser notre individualité mondaine présente (fût-elle consciente, fût-elle émotionnellement positive) : la remémoration de l'impermanence, la remémoration de la mort, ainsi que les méditations de shunyata, incluant la méditation sur la chaîne des nidanas. Mais les méditations de shunyata peuvent devenir assez abstraites, pour ne pas dire intellectuelles. La remémoration des six éléments - consistant à rendre les éléments de terre, d'eau, de feu, etc., contenus en nous, aux éléments de terre, d'eau, de feu, etc., de l'univers, en renonçant tour à tour à la terre, à l'eau, au feu, à l'air, à l'espace, et même à notre conscience individualisée - est la manière la plus concrète et la plus pratique de pratiquer à cette étape particulière. C'est la pratique-clef pour briser notre sens d'individualité relative.

Nous pouvons même dire que la pratique des six éléments est elle-même une méditation de shunyata, car elle nous aide à réaliser la vacuité de notre individualité mondaine - elle nous aide à mourir. Il y a beaucoup de traductions du mot shunyata. On trouve parfois « vacuité », parfois « relativité ». Guenther le traduit par « rien ». Mais shunyata pourrait bien être traduit par « mort », car c'est la mort de tout ce qui est conditionné. Ce n'est que lorsque l'individualité conditionnée meurt que l'Individualité inconditionnée - comme nous pouvons l'appeler - commence à émerger. En méditation, alors que nous allons de plus en plus profondément, nous faisons souvent l'expérience d'une grande peur. Les gens, parfois, reculent devant cette peur, mais il est bon de se laisser en faire l'expérience. La peur se produit lorsque nous ressentons, pourrions-nous dire, le toucher de la shunyata, d'un peu de Réalité, sur notre soi conditionné. On ressent ce petit toucher de la shunyata comme la mort. En fait, pour le soi conditionné, c'est la mort. Le soi conditionné a donc peur - nous avons peur.

La remémoration des six éléments, et les autres méditations de shunyata sont des méditations de vipashyana (en pâli : vipassana), ou méditations de vue pénétrante, alors que l'attention sur le souffle et le metta bhavana sont des méditations de shamatha (en pâli : samatha), ou méditations de type pacifiant. La shamatha développe et affine notre individualité conditionnée, mais la vipashyana brise cette individualité, ou plutôt nous permet de voir directement à travers elle.

La visualisation.

Que se passe-t-il après que le soi mondain est mort ? Dans un langage peu traditionnel, de l'expérience de la mort du soi mondain apparaît le soi transcendant. Le soi transcendant apparaît au milieu du ciel - au milieu du Vide - où nous voyons une fleur de lotus. Sur la fleur de lotus, il y a une graine en forme de lettre. Cette lettre est ce que l'on appelle un mantra bija. Ce mantra bija est transformé en un bouddha ou un bodhisattva particulier. Ici, de façon évidente, nous sommes arrivés aux pratiques de visualisation.

La figure visualisée devant vous, le bouddha ou le bodhisattva, aussi sublime et magnifique soit-elle, est, en fait, vous-même : le vous nouveau - vous tel que vous serez si seulement vous vous laissez mourir. Lorsque nous faisons une pratique complète de visualisation, au moins sous certaines formes, nous commençons par réciter et méditer sur le mantra de la shunyata : « om svabhavashuddhah sarvadharmah svabhavashuddho'ham », ce qui veut dire : « Om, toutes les choses sont pures par nature, moi aussi je suis pur par nature ». Ici, pur signifie Vide, pur car sans concept, pur car sans conditionnalité, parce que nous ne pouvons renaître sans passer par la mort. Pour être un peu elliptique, il n'y a pas de Vajrayana sans Mahayana, et le Mahayana est le yana de la shunyata, l'expérience de la shunyata. C'est pourquoi mon cher ami et maître, M. Chen, l'ermite Tch'an de Kalimpong, disait souvent : « Sans la réalisation de la shunyata, les visualisations du Vajrayana ne sont que vulgaire magie. »

Il y a de nombreuses sortes de pratiques de visualisation ; il y a beaucoup de niveaux de pratique différents ; il y beaucoup de bouddhas, de bodhisattvas, de dakas, de dakinis, de dharmapalas différents que l'on peut visualiser. Les pratiques particulières les plus fréquentes dans l'Ordre bouddhiste Triratna se rattachent à Shakyamuni, Amitabha, Padmasambhava, Avalokiteshvara, Tara, Manjughosha, Vajrapani, Vajrasattva et Prajñaparamita. Chaque membre de l'Ordre à sa propre pratique individuelle de visualisation, avec le mantra s'y rattachant ; il les reçoit au moment de l'ordination. J'aimerais, personnellement, que les membres de l'Ordre les plus expérimentés soient complètement familiers avec au moins deux ou trois formes de pratiques de visualisation.

La signification générale de la pratique de visualisation apparaît avec une clarté particulière dans la sadhana de Vajrasattva. Vajrasattva est un bouddha apparaissant sous forme de bodhisattva. Il est de couleur blanche - blanc pour la purification. La purification, ici, consiste en la réalisation qu'au sens ultime vous n'êtes jamais devenu impur : vous êtes pur depuis le commencement, pur depuis le commencement sans commencement, pur par nature, essentiellement pur ; dans les profondeurs de votre être, vous êtes pur car sans conditionnalité, ou plutôt, vous êtes pur car sans distinction même entre conditionné et Inconditionné et, donc, vous êtes Vide. Pour toute personne qui a grandi dans une civilisation imprégnée de culpabilité telle que la nôtre, en Occident, ce genre d'affirmation doit sûrement être une grande révélation - un choc immense et positif.

Vajrasattva est aussi associé à la mort : non seulement à la mort spirituelle, mais aussi à la mort physique. Il y a ici un lien avec le Livre tibétain des Morts. Ce que l'on appelle le Livre des Morts est en tibétain appelé le Bardo Thödol, ce qui veut dire « la libération par l'écoute dans le stade intermédiaire » (c'est-à-dire par l'écoute de l'instruction donnée par le lama assis près de ce qui était votre corps, et qui vous explique ce qui vous arrive dans l'état intermédiaire après votre mort). Cet état intermédiaire est intermédiaire entre la mort physique et la renaissance physique. Mais la méditation elle-même est aussi un état intermédiaire, car quand nous méditons - dans le véritable sens - nous mourons. De la même façon, la mort physique est un état méditatif, un état de méditation forcée, de samadhi forcée. Dans ces deux états intermédiaires - l'état entre mort et renaissance, et l'état se produisant dans la méditation - nous pouvons voir des bouddhas et des bodhisattvas, ou même des mandalas de bouddhas et de bodhisattvas. Ils ne sont pas en dehors de nous ; ils sont la manifestation de notre propre Esprit véritable, la manifestation du dharmakaya, et nous pouvons, si l'on peut dire, nous identifier avec eux et renaître ainsi spirituellement, renaître, si l'on peut dire, dans un mode d'existence transcendant. Si nous ne réussissons pas à nous identifier de cette manière, alors nous renaissons simplement dans le sens ordinaire : nous retombons dans l'ancien soi conditionné.

'A Guide to the Buddhist path' © Sangharakshita, Windhorse Publications 1990, traduction © Christian Richard 2004.

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  1. Un système de méditation.
  2. La pratique de la méditation des six éléments.
  3. Les quatre étapes du système de méditation.
  4. Les cinq méthodes fondamentales de méditation.
  5. Prise de conscience aliénée et prise de conscience intégrée.
  6. Les niveaux d'expérience et de non-expérience de soi.
  7. Les quatre brahma viharas.
  8. Les dhyanas du monde de la forme et du monde sans forme.
  9. Le symbolisme des cinq éléments dans le stûpa.
  10. L'énergie des cinq éléments.